Star Wars : Le Réveil de la Farce
Star Wars : Le Réveil de la Farce

Le 16 décembre 2015 est sorti Star Wars Episode VII : The Force Awakens. Vous en avez forcément entendu parler puisqu’il était quasiment impossible de se déplacer hors de chez soi sans voir une affiche du film ou un placement produit sur des t-shirts, culottes, fruits et légumes, céréales, jouets, jeux-vidéos, ordinateurs, journaux papier, journaux télévisés, webzines (la preuve)…

Et si le film est clairement l’un des plus mauvais films jamais sortis sur un écran de cinéma, cet article ne va pas se concentrer sur son absence de réelles qualités cinématographiques, mais plutôt sur le point suivant : comment un marketing bien rôdé peut vous faire aimer n’importe quoi ?

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Cela nous amène d’abord à comprendre à quel point la saga Star Wars constitue une anomalie dans le paysage cinématographique. En effet, lorsque George Lucas, sur les conseils de ces amis Francis Ford Coppola, Steven Spielberg et John Milius, décide de ré-écrire le scénario du film Star Wars, en 1977, en s’inspirant du monomythe campbellien, il est alors loin de se douter que sa petite production de seulement 11 millions de dollars va alors bouleverser l’industrie cinématographique à jamais, et qu’il deviendrait sous peu le réalisateur le plus riche de l’histoire. Cela fut rendu possible grâce à deux décisions capitales. La première est que Lucas refusa d’être payé pour la réalisation du film, mais demanda en échange d’être le seul propriétaire de son œuvre et des produits dérivés. A l’époque, la seule saga ayant rapporté de l’argent avec ses produits dérivés était celle de La Planète Des Singes. Et ce n’était certainement pas cette histoire insipide de « guerre spaciale » qui allait rapporter de l’argent. Donc, cela lui fut accordé.

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La deuxième décision capitale, nous la devons à l’homme que personne ne connaît mais qui fut le véritable génie derrière Star Wars, à savoir son producteur Gary Kurtz. Kurtz, voyant que la Fox ne ferait aucune promotion pour le film, passa plusieurs mois à écumer les salons d’informatique en tous genres pour vendre l’idée que Star Wars serait un film pensé par et pour ceux que l’on n’appelle pas encore des « geeks ». La suite, on la connaît. A savoir que ce petit film sans aucune promotion et sorti sur seulement 400 écrans sur l’échelle du territoire américain deviendra le plus grand succès de l’histoire du cinéma derrière Autant En Emporte Le Vent. Il permis à Lucas de bâtir un empire grâce aux produits dérivés, un studio TOTALEMENT INDÉPENDANT d’Hollywood appelé Lucasfilms.
Ensuite, ce que peu de gens savent, c’est que Lucas, tout seul, décidera dans les mois qui suivent de donner une suite à Star Wars directement à la télévision, Star Wars Holiday Special.

Si vous en avez le courage, n’hésitez pas à le regarder. Devant l’accueil dédaigneux du public, Lucas fera ensuite croire qu’il n’a rien à voir là-dedans (alors qu’il en a bien co-signé le scénario) et fera tout pour le faire disparaître. Gary Kurtz prendra ensuite les rênes de la saga en tant que producteur et superviseur du scénario, écrit par Lawrence Kasdan pour L’Empire contre-attaque, à savoir le meilleur épisode de la saga. Lucas, ayant pris la grosse tête, et trouvant le film trop sombre, fera virer Gary Kurtz et réécrira totalement le scénario de la Revanche du Jedi, auquel il donnera pour titre Retour Du Jedi (toutes les idées stupides du film tels que l’apparition des Ewoks, le fait qu’Han Solo reste vivant, que Leïa soit la sœur de Luke et que l’on voit qui se cache derrière le masque de Vador sont de lui).
Lucas, bien entouré, c’est donc Star Wars, L’Empire contre-attaque et la saga Indiana Jones. Mal entouré, c’est tout le reste (Willow, Howard The Duck, Les aventures des Ewoks…). Ce qui explique donc l’échec artistique total que furent les épisodes 1, 2 et 3 de la saga. Entre des effets spéciaux totalement ratés (à l’époque, le premier film se fera facilement voler l’oscar des effets spéciaux par Matrix), des acteurs qui s’emmerdent comme jamais à jouer devant des fonds verts, et un scénario sans aucun sens qui contredit absolument tout ce qui avait été dit dans la trilogie originale (mention spéciale à la Force, censée être mystique, qui devient ici directement inscrite dans l’ADN de chacun, à R2D2 qui vole dans les airs, et bien sûr à l’incontournable Jar-Jar Binks), quasi-impossible de trouver des qualités à ces films, si ce n’est leur musique.

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Cela nous amène donc à l’achat de Lucasfilms par Disney, ou comment le studio de cinéma le plus capitaliste qui soit, rachète une entreprise indépendante qui vit à l’écart du système. Un événement dont la conséquence est le truc infâme diffusé depuis décembre 2015. Car si Disney rachète Lucasfilms pour la bagatelle de 4 milliards de dollars, il compte bien se rembourser et élabore un plan marketing machiavélique. De film, il n’en est absolument pas question, il s’agit avant tout de retour sur investissement. Et comment s’assurer alors que le futur Star Wars Episode VII soit le produit marketing parfait ? Tout simplement en choisissant JJ Abrams, le roi de la pub, en tant que réalisateur du film. Abrams, c’est le showrunner de la série Lost (showrunner, son vrai métier, pas réalisateur), celui qui a fait croire à des millions de spectateurs que sa série aurait un sens à la fin. Abrams, c’est celui qui a fait d’une des séries de science-fiction les plus intelligentes jamais créées, à savoir Star Trek, une sitcom dans l’espace. Abrams, c’est celui qui a fait ou produit tous ces films dont la promo vous avait fait saliver comme pas possible, et que vous avez depuis totalement oublié : Mission : Impossible 3, Super 8, Cloverfield, Star Trek Into Darkness. Abrams, c’est donc le gars qu’il faut à Disney. Celui qui va vous faire un film tout pourri en vous faisant croire qu’il s’agit du nouveau Citizen Kane.
Et à raison puisque la bande-annonce du film, celle qui va donner envie de le voir à tous les fans de Star Wars de la planète est celle-ci :

D’un point de vue marketing, c’est exceptionnel, chaque plan rappelle un ancien épisode de la première trilogie Star Wars. Ce qui a deux effets auprès des fans :
– Cela les conforte dans le fait qu’il n’y aura aucun lien avec la prélogie (que tout fan de Star Wars déteste) et que le film sera respectueux de ces aînés.
– Cela leur laisse supposer que la bande-annonce, n’ayant rien montré du film, va les étonner !

Puis, le film sort. Et bien sûr, rien de tout cela ne se produit. Il s’agit simplement d’un remake de l’épisode IV (le premier, donc, La Guerre Des Étoiles) où on a remplacé Luke, C3PO et R2D2 par une fille, un noir (comme ça, film féministe et non-racialiste), et un robot « têêêêllement meugnon qu’il faut qu’tu le commandes à Noël ».

Et ce qui me fait le plus mal, c’est que maintenant, je vais dire du bien de la prélogie : ils étaient ratés, mais au moins, faisaient preuve d’imagination, au minimum dans leurs costumes, et leurs décors. Star Wars VII se passe sur une planète de sable, une planète de neige et une planète forestière ! Et le film coûte 200 millions de dollars (contre 11 pour le 1er épisode, remember).
Plutôt que d’énumérer les nombreux défauts du film (absence totale d’imagination et de scénario, le ridicule de la prestation d’Harrison Ford, la musique pourtant superbe de John Williams qui est placée n’importe comment…), revenons plutôt sur La Scène Qu’il Ne Fallait Pas Rater dans le film, et que JJ Abrams rate forcément : A savoir l’instant « liminal ».

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L’instant « liminal », c’est celui, dans un film, où vous êtes tellement pris dans l’histoire et dans ce que vit le héros, que vous ressentez un frisson d’excitation à la vision de ce qu’il y a à l’écran, au point d’en oublier totalement la réalité. Parmi les exemples les plus probants, on pourra citer le final du premier Rocky, celui du premier Star Wars (évidemment), le final de Speed Racer ou même la quasi-totalité d’Avatar si on se fie à certains articles. Cet instant « liminal », depuis Star Wars justement, est souvent amorcé, notamment chez les Wachowski dans Matrix Revolutions et Speed Racer, par un héros qui ferme les yeux ou qui a perdu la vue. Au-delà de la référence mythologique que cela sous-entend ainsi que sa répercussion symbolique (La vision est trompeuse, et c’est en se fiant à ses autres sens que l’on peut voir la véritable réalité des choses), cela permet aux réalisateurs de marquer visuellement l’instant « liminal » avant son arrivée.
Dans Star Wars 7, Abrams essaie donc de recréer cela. Encore une fois, sans aucune imagination puisqu’il crée un double climax avec une Étoile de la mort comme dans La Guerre Des Étoiles, mais en plus grosse (et il a trouvé ça tout seul, il paraît), et un combat au sabre laser entre Rey et Ren (même pour les prénoms, aucune imagination). Ils se battent, Rey ferme les yeux et là, alors que la réalisation doit prendre de l’ampleur… la caméra s’éloigne puis fait des champ/contre-champ. Merci JJ Abrams de t’être cru dans Derrick.

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Et pour en finir avec cette histoire comme quoi le film serait en passe de devenir le plus grand succès de tous les temps, voici un lien vous montrant les VRAIS scores des films au box-office, c’est-à-dire en prenant en compte l’inflation du dollar. Au jour où j’écris cet article (6 janvier 2016), Star Wars 7 est 21ème, pas 2ème. Ça viendra peut-être, mais ce n’est pas encore le cas, contrairement à ce que l’on peut lire ici et .

C’était Simon Dunkle : vous aimez ce film, vous me détestez. Merci de m’avoir lu.

Picture of Simon Dunkle

Simon Dunkle

Défenseur de la veuve, mais pas de l'orphelin, nul ne sait qui est Simon Dunkle. Tout juste sait-on qu'il a obtenu le baccalauréat scientifique à l'âge de 1 an, avant d'organiser plusieurs manifestations contre l'extrême facilité des examens du MIT 4 ans plus tard. Aujourd'hui âgé de 7 ans, il travaille depuis 2 ans au sein d'ArlyoMag, malgré le fait qu'il soit recherché par Interpol. En effet, il est accusé de mise en danger de la vie d'autrui après avoir publié une fausse annonce dans le journal "Les Inrockuptibles" concernant l'ouverture d'un restaurant Vegan avec buffets à volonté en Syrie. Ce qui aurait conduit à la mort accidentelle d'environ 500 hipsters s'étant rendu là-bas pour y manger, jugeant le lieu "totalement non-mainstream" selon leurs propres dires.