« Bridges to the Balkans » ou le bel avenir de l’entrepreneuriat culturel
entreprenariat

Genèse d’un projet tourné vers les Balkans.

En 2013, après six ans passés dans l’hôtellerie, Thibaut Boudaud fait le choix de reprendre des études de Science Politique à l’Université Lumière Lyon 2 : il est aujourd’hui en master Direction de Projets Culturels à Sciences Po Grenoble. C’est lors de son engagement bénévole sur le Festival Nuits Sonores qu’il a découvert le milieu associatif et culturel.

Depuis mûrit dans son esprit un projet culturel, dicté par son amour pour les Balkans. En 2015, il monte l’association BalkansLab. L’année suivante, un média : Hajde, un webzine qui promeut les cultures des pays de l’Est à travers la plume de ses vingt rédacteurs basés de la Grèce à la Russie.

balkansUne asso, un média… à quand le festival ? C’est justement la frange la plus importante de son projet. Son objectif est de créer un modèle de festival inter-culturel qui aurait pour but de faire dialoguer la culture occidentale et la culture balkanique. Festival où se mêleraient des contributions intellectuelles et artistiques, tout en étant tourné vers les arts urbains (hip hop, graph), dans l’optique de toucher les jeunes. Des jeunes en pleine construction de pensée, qui peuvent devenir les principaux artisans d’une « identité européenne ».

Créer un réseau culturel européen

L’imbrication de ces trois projets est une manière alternative de promouvoir ces pays aspirant à intégrer l’Union Européenne. Cette structure serait alors un bon moyen de nouer des liens, établir des contacts, tisser un réseau. C’est ce que Thibaut Boudaud aspire à créer. À travers plusieurs voyages, il souhaite faire naître une complicité entre deux villes. Des jumelages dont la pérennité pourra être consolidée par l’investissement d’écoles et d’associations en dialogue permanent. Ces acteurs seront aussi appelés à organiser le Festival, grâce à des Skype entre les élèves des Balkans et de l’Europe Occidentale.

balkansNéanmoins ce type de projet nécessite une bonne connaissance des États balkaniques puisque des questions de financement vont très vite se poser. Le prix des places devra être adapté au vu des différences de niveau de vie, et en fonction de la conception de la politique culturelle à l’œuvre dans ces États. D’autant plus que la plupart des États balkaniques n’ont pas encore intégré l’UE (à part la Slovénie et la Croatie) et ne bénéficient donc pas du programme Europe Creative, chargé de distribuer les subventions pour le développement de la culture.

Quid des subventions publiques ?

La question du financement dans le monde culturel est centrale et déterminante dans la réussite d’un projet, d’autant plus que la culture ne doit rentrer dans une logique de marché. Des subventions peuvent venir des pouvoirs politiques comme on le voit avec Europe Creative, ou les subventions étatiques. Et c’est là que ça coince, puisque les financements publics sont forcément orientés, et la plupart du temps vers les grandes institutions culturelles, comme l’Opéra de Lyon, qui reçoit six millions d’euros par an de subventions de la Mairie de Lyon.

Ces décisions publiques s’inscrivent dans une forme de routine institutionnelle, qui est de plus en plus remise en cause par les acteurs culturels émergents. Certains dénoncent notamment la politisation de ces choix budgétaires, comme on le voit avec l’élection de Laurent Wauquiez à la tête de notre région qui a fait le choix militant d’augmenter les subventions pour le Festival Jazz à Vienne, tout en supprimant celles accordées aux festivals LGBT. Mais quelle légitimé ont les acteurs publics de mettre en avant tel projet, au détriment d’un autre ?

balkans

Pour Thibaut, les subventions publiques doivent être allouées en plus petite quantité mais à plus d’acteurs. Il reprend en cela le terme « d’essaimage » employé par Vincent Carry, l’actuel patron d’Arty Farty. Cette entreprise culturelle lyonnaise est à l’origine du Festival Nuits Sonores et de l’European Lab : deux projets innovants qui vivent avec très peu d’aides publiques. Dans leur conception, il s’agit dans un premier temps de bénéficier d’aides étatiques et européennes pour booster le lancement du projet. Et à terme, dans un deuxième temps, d’atteindre l’autonomie vis-à-vis de ces financements afin de les libérer pour de nouveaux projets.

Quel avenir pour l’ « entrepreneuriat culturel » ?

Quand le système actuel n’encourage pas assez ni ne soutient les jeunes initiatives culturelles, Thibaut Boudaud croit en un autre mode de financement reposant sur le mécénat ou encore le financement participatif. Il a lui-même créé une campagne sur KissKissBankBank pour financer son projet, comme de nombreuses start-up ou initiatives culturelles le font.

balkansCette vision répond à celle de Steven Hearn, ancien président de la Gaîté Lyrique et aujourd’hui patron d’un incubateur de jeunes talents à Paris. Il a été le premier à parler « d’entrepreneuriat culturel », donnant un nom à des projets qui se développent hors des sentiers tracés par les grandes institutions culturelles où la liberté de créer et d’innover est parfois freinée par le poids de la hiérarchie, ou encore des conventions. Ces entrepreneurs de la culture, dont fait partie Thibaud Boudaud et son projet « Bridges to the Balkans », ont justement pour objectif d’innover mais aussi d’ouvrir la culture à de nouveaux publics à travers de nouvelles perspectives.

Si la culture française ne veut pas continuer à se nécroser autour de ses institutions « classiques » tournées vers une certaine frange de la population, elle doit ouvrir grand sa porte aux nouveaux entrants. Des petits projets qui, à leur mesure, consolident le maillage social, que ce soit à l’échelle ultra locale ou à l’échelle européenne.

Suivez « Bridges to the Balkans » sur Facebook, et participez à sa campagne KissKissBankBank !