La Science à l’honneur à la Nuit Européenne des Chercheur∙e∙s
La science à l'honneur à la Nuit Européenne des Chercheur∙e∙s 2016
La science à l'honneur à la Nuit Européenne des Chercheur∙e∙s 2016
La science ouvre ses portes au grand public, pour la 11e année consécutive

La rentrée démarre fort à l’Université de Lyon, cette fédération de 19 établissements lyonnais et stéphanois – le second pôle scientifique de France. Six jours après une consultation citoyenne sur les épidémies pilotée par la Commission Européenne et le pôle de compétitivité mondial Lyonbiopôle, l’UdL a accueilli ce 30 septembre la 11e Nuit Européenne des Chercheur∙e∙s.

L’événement s’est déroulé simultanément dans 12 villes de France et plus de 200 villes européennes. De 18h à minuit, le grand public a eu l’occasion de rencontrer des passionnés du savoir et de sa transmission. Les organisateurs ont en effet redoublé de créativité pour proposer aux visiteurs une nuit riche en animations et en surprises.

Life&You : startup en herbe

La première curiosité que je décide d’aller voir est un projet soutenu par la Fabrique de l’Innovation et monté par deux jeunes femmes : Clémence Lop, une auto-entrepreneuse tout juste diplômée en informatique et son amie d’enfance Laura Martin, en apprentissage dans le marketing. Ce duo de jeunes pousses se disent attentives au bien-être de leur entourage et ont eu envie de mettre leurs compétences au service d’un besoin de notre société. Après une étude de marché, elles montent alors Life&You, à la croisée de la psychologie sociale et du développement personnel. Cet outil permet de choisir un programme personnalisé en fonction de son profil.

Pour la Nuit des Chercheur∙e∙s, les visiteurs pouvaient faire un test de personnalité sur ordinateur, répondre à un questionnaire permettant aux porteuses de projet d’améliorer leur méthode et repartir accessoirement avec une baleine en origami. J’ai pu discuter avec Clémence, pour lui livrer mes impressions sur le test de personnalité que j’avais effectué. Pas assez travaillé selon moi, j’ai voulu en savoir plus sur leur méthodologie. La jeune fille a déploré le manque d’étudiants en sciences humaines/sociales dans le monde de l’entrepreneuriat, malgré leur apport précieux en méthodologie et gestion des ressources humaines. Ce dialogue a également souligné le manque de communication entre une jeunesse qui ne trouve pas les mots pour inviter les plus expérimentés à faire valoir leurs compétences dans des projets innovants/technologiques.

Autant de défis qui se dressent pour résoudre les problématiques que nous avons en commun. Réjouissons-nous toutefois du soutien que l’Université de Lyon apporte à l’innovation. La Nuit Européenne des ChercheurEs porte bien son nom avec Clémence et Laura et invalide le préjugé selon lequel femmes et science seraient incompatibles.

L'amour du savoir et l'envie de répondre à un besoin, deux moteurs clés pour le chercheur
L’amour du savoir et l’envie de répondre à un besoin, deux moteurs clés pour le chercheur

Le savoir dans le noir

Place à une expérience des plus insolites, la rencontre dans le noir avec un chercheur. Un bracelet phosphorescent autour du poignet, nous voilà dirigés dans une salle au sein de la Maison des Étudiants. La lumière s’éteint et un bracelet flottant nous rejoint : voilà notre chercheur mystère. Dans un noir quasi complet, celui-ci nous fait part de son sujet : les bio-pesticides, des pesticides à base de bactéries présentes dans les plantes, afin de remplacer les pesticides artificiels.

Dans un langage simple, le jeune doctorant nous partage alors sa passion et son envie de contribuer à l’amélioration de notre planète, allant du problème de la faim dans le monde à la protection de l’environnement, en passant par la santé. Peu à peu, les bracelets dévoilent leur aura et des silhouettes se dessinent, des visages se laissent deviner dans une obscurité de moins en moins dense. À mesure que le chercheur nous éclaire sur son sujet, la lumière se fait au sein même de la salle où nous sommes confinés. Les visiteurs n’hésitent pas à poser mille questions, avec enthousiasme. Comme souvent, les jeunes sont les plus curieux et interrogent le doctorant avec une grande pertinence, lequel se fait un plaisir de leur répondre.

Au final, c’est un vrai dialogue qui s’est instauré tout au long de cette expérience très originale. L’obscurité nous a conduit à écouter plus attentivement, nous raccrochant aux mots de notre interlocuteur. Cette ambiance intimiste a su briser la barrière qui existe parfois entre le monde de la science et le grand public qui est pourtant son principal destinataire.

Marquée par cette animation, je m’empresse de rejoindre l’espace dédié au « scientific dating », une sorte de speed dating avec des chercheurs français et internationaux qui présentent en cinq minutes leur recherche.

Bouche à Oreille

Quelqu’un m’a dit… que tu cherchais encore

Malheureusement, il n’y a plus de place : déterminée à expérimenter une autre forme d’interaction inhabituelle, je m’empresse de rejoindre alors le « bouche-à-oreille ».

Cette animation a pour but de voir ce qu’il reste d’une information scientifique lorsqu’elle est répétée d’un individu à l’autre. Je rejoins alors une file de jeunes enfants, que je préfère instinctivement à celle des adultes. La curiosité des plus petits m’a toujours fascinée et j’avais envie, cette nuit-là, d’inviter ma part d’enfant à explorer l’univers des sciences, qui se nourrit lui aussi de candeur.

Voilà ce que la jeune femme qui me précède me répète : « c’est une fille qui fait de la recherche sur un robot et elle distingue deux stades : celui du langage et celui de la musique ; elle trouve l’aspect mélodique du robot plus intéressant ». Quelques minutes après, nous sommes réunis dans une salle en présence de la chercheure. La dernière personne de la file d’adultes résume alors son sujet : « elle fait partie du laboratoire ICARE et fait de la recherche en linguistiques ». Le petit dernier de la file des enfants dit alors en substance : « alors c’est l’histoire d’une fille qui fait de la recherche sur un robot ; elle préfère le langage musical ».

On remarque comment le registre des émotions prime chez les enfants, tandis que les adultes ont plutôt retenu les faits. La chercheure nous explique alors son sujet en linguistiques : elle n’étudie pas de robot mais le langage et ses effets, grâce à divers outils technologiques. Elle nous explique comment le ton, la gestuelle, le regard peut faire varier l’efficacité du message à faire passer. Ici, la chercheure tenait à élargir le spectre scientifique que le grand public se représente généralement, en incluant les sciences humaines et sociales, toujours moins représentées.

05-water

Le sourcier et la science

La dernière animation que j’expérimente est tenue par un jeune homme dont la tête est entourée d’un turban. Avec ses airs de génie, sa tablée m’intrigue. Une série de verres, vides ou remplis d’eau, se succèdent devant lui et un petit groupe de visiteurs. Il nous explique alors les principes de base dans la conduite d’une bonne recherche et ce de façon bien ludique. Faisant varier les conditions de son expérience avec les verres, ce jeune passionné tente de se faire passer pour un sourcier – quelqu’un qui peut détecter la présence de l’eau.

Tour à tour, les visiteurs tentent de débusquer les tricheries du doctorant qui en profite alors pour expliquer les impératifs de toute recherche scientifique : faire un test qui soit valide, sans tricherie, avec un taux de « randomisation » assez élevé (avec assez de hasard) pour déjouer les prévisions. Avec beaucoup de pédagogie et de générosité, ce jeune chercheur a su faire passer un message plutôt technique à des enfants tout aussi vigilants qu’intéressés.

Suite à cette prestation, j’en profite encore une fois pour échanger avec l’animateur. La question d’un petit garçon m’avait interpelée : celui-ci avait demandé au jeune homme s’il croyait au fait que des sourciers existent. Cette question mettait en lumière le lien entre science et croyance, qui ne quitte d’ailleurs jamais l’esprit de tout scientifique, comme l’animateur me le disait lui-même. Je décide alors de parler philosophie des sciences avec lui, nous accordant tous deux sur cette citation de Karl Popper : « Nous ne pouvons que débusquer l’erreur, jamais démontrer la vérité ». Une théorie est faite pour être réfutée et nos outils étant eux-mêmes perfectibles, la science reste bien plus relative que nous avons tendance à l’imaginer.

Dans le monde de la recherche, idées et créativité sont reines
Dans le monde de la recherche, idées et créativité sont reines

Rechercher la connaissance : partout, par tous

Cette 11e Nuit des Chercheur∙e∙s a, me semble-t-il, atteint son objectif de vulgarisation des sciences. Toutes les générations se sont donné rendez-vous et ont retrouvé leur propension à l’émerveillement. De temps à autre, une troupe de comédiens de la Ligue d’Improvisation de Lyon, déguisés  en avocats surexcités, s’invitaient au cours d’une animation pour dresser un « tribunal des idées » et ainsi illustrer que la pensée critique se doit d’être toujours de mise dans la recherche. Le restaurant du CROUS avait enfin été mis à disposition pour permettre de nourrir son corps autant que son esprit et ce, à un tarif plus qu’abordable. L’occasion de se rappeler des moyens mis en œuvre en France pour rendre l’éducation accessible au plus grand nombre, malgré de nombreux écueils auxquels il faut encore et toujours remédier.

Au sortir de l’événement, un questionnaire nous était remis pour noter nos impressions et suggestions. Je vous partage, comme à chaque fois, mon petit coup de cœur : plutôt que nous cloisonner dans un seul domaine, le choix nous était donné de se définir comme scientifique, littéraire ET artiste, si nous le souhaitions. À l’heure où la croisée des disciplines se fait de plus en plus urgente pour comprendre la complexité des enjeux actuels, cette question ouverte venait également rappeler au visiteur que la recherche est avant tout un art…

  • Tentez vous aussi l’expérience à l’occasion de la 25e Fête de la Science du 8 au 16 octobre prochain !
Amas d'étoiles NASA - science
Amas d’étoiles Westerlund 2 et ses environs © HUBBLE/ESA/SIPA/1504241600