Concert L’Âge d’or du Rap français 13 mars Halle Tony Garnier

Lorsqu’un de mes meilleurs ami Éric, organisateur de concert, m’a demandé il y a quelques mois mon avis sur une tournée réunissant des groupes de rap français des années 90 j’étais à la fois excité par la perspective et enclin au doute. Comment avaient vieillis mes idoles de jeunesse ? Dans quel état sont-ils ? Si les classiques sur disque sont intemporels, la performance scénique est un véritable sport qui nécessite un entrainement intensif. Or, certains d’entre eux n’ont pas fait de concert dernièrement à ma connaissance.

Lorsque j’arrive à la Halle Tony Garnier, j’ai une double satisfaction : la salle est bien remplie et l’ambiance est bonne. Il règne dans l’atmosphère un parfum peace unity and having fun. De plus, le public est de tout âge et de tous styles, jeunes, vieux, bobos, hipsters, hip hop voir père de famille comme moi-même.

Certaines tempes sont bien grises et on devine les calvities cachées sous les casquettes.

Petite nuance par rapport aux années 90, le public est bien plus féminin qu’à l’époque, ce qui est très sympa.

20h et quelques minutes. Le show commence et la première grosse claque de la soirée, une intro documentaire de quelques minutes est diffusée sur grand écran. C’est d’ailleurs une des très bonnes idées de la soirée : tous les trois artistes en moyenne, le documentaire restitue dans le temps et les lieux l’histoire des groupes à venir sur scène. Le tout à travers les yeux d’un jeune garçon ce qui est très pédagogique par exemple pour le jeune public. Le documentaire est d’ailleurs diffusé le mercredi soir à 20h40 sur la chaîne Bet.

Mais revenons au live, la tension monte scratch, light, tag, un logo apparait, celui du groupe mythique Assassin. Son leader charismatique Rockin Squat monte sur scène et entonne ses morceaux de légende dont « La formule secrète ». Back in the days, aux débuts des années 90, mes doutes s’envolent direct. La soirée vaut déjà largement le coup ! A noter que le DJ d’Assassin n’est autre que DJ Duke, DJ lyonnais prépondérant dans l’histoire du rap à Lyon.

A peine le temps de respirer et pour la deuxième fois, souffle coupé : c’est le tour de Ministère Amer, Stommy et Passi scandent les titres « Cours plus vite que les balles » ou « Sacrifice de poulet » et je suis bluffé notamment par la forme de Stommy !

Le tracklisting est impressionnant, les groupes se succèdent en alternant les morceaux plus underground et ceux tout public.

C’est notamment le cas avec le set de Ménélik, il entonne « Bye Bye », le public reprend le refrain en chœur et moi j’exécute docilement la recommandation de mon épouse, je filme le tube et lui envoie directement pour elle et ses copines !

Plus underground et pour les aficionados Busta Flex déchire tout sur scène, je suis dans « Inception », entre différentes dimensions. Flashback à l’époque des parkas Helly Hansen, des bières 8/6 et des samedis soir rue Sainte-Catherine ou les soirées rap au « Chantier » étaient le spot à la mode. Busta avait traumatisé tout le monde du rap hexagonal et engendre une armée de clônes façon Star Wars!

Now, c’est 2017, Busta  porte lunettes et barbe de hipster, finies les tresses mais surtout il fait toujours son job à plein temps et peut-être encore mieux qu’il y a 20 ans au Transbordeur.

Comme un symbole bien dans l’esprit de cette soirée, il ponctue son show, rejoint par le groupe de Mantes La Jolie, Expression Direkt. En effet, à l’époque ce groupe l’avait fortement malmené lors d’un clash très violent. Heureusement de l’eau a coulé sous les ponts et c’est tant mieux. « Express Di » ravit les crapuleux avec « Dealer pour survivre », « Mon esprit part en couille » entre autres.

Autre figure majeure dans le grand jeu des sept familles du hip hop, Rocca et La Cliqua représentent toujours pour tous les jeunes de l’univers. Et maintenant, les moins jeunes. Ce crew était une des versions françaises de Wu Tang et Mobb Deep, mettant un coup de booster sur les flows de la Big Apple de l’époque et influençant tout une génération de MC’s hexagonaux. La petite touche latine de Rocca d’origine colombienne ambiance la soirée encore plus et fait groover la foule. Petit break perso au bar après avoir retrouvé des comparses au bar.

Minister Amer

Je zappe visuellement le show de Daddy Nuttea mais j’entends bien les cris des filles sur ses hits. C’est là une des clefs de la réussite de cette soirée : ravir tout le monde comme dirait le Minister Amer, les rates comme les lascars.

En voyage à New York en septembre dernier pour mes 40 ans, j’avais halluciné sur le concert de Bad Boys Puff Daddy and the Family, le plus marquant étant à quel point un public très différent chantait les chansons du début à la fin, donnant l’impression d’un patrimoine commun.

Et c’est exactement ce qu’il se passe à l’Âge d’or ; pour la première fois en France, cette génération savoure le show, à l’image peut-être des soixantenaires à un concert de Johnny, en bien mieux bien sûr, on souhaite une meilleure santé aux artistes de ce soir.

Ma pause bière est finie, les artistes s’enchainent, K-reen nous chante ses hits, les refrains nous remémorent le bon temps des compiles et bandes originales, comme la B.O de Taxi. Son R’n’B est bien loin des voix auto-tunées d’aujourd’hui.

En parlant de bande originale, c’est ensuite le groupe 2 Bal 2 Neg qui entame plus tard « la seddition ». Ce morceau hardcore scandé par les puristes est issu de la B.O de Ma cité va craquer. Les 2 Bal 2 Neg ou les Sages Poètes et Zoxea sont des groupes faisant partie du panthéon et cela m’inspire la réflexion que les groupes les plus talentueux ne sont décidément pas toujours ceux ayant eu les plus grosses ventes de disques et connus la reconnaissance du grand public

Le show a débuté il y a maintenant 2h et s’enchaine un autre round qui met le public K.O debout.

C’est Ärsenik qui « Boxe avec les mots ». La tension monte crescendo. A cet instant, plus de distinction dans le public, on est tous comme des fous et encore plus quand ils sont rejoints par le Minister Amer, les Neg Marrons et enfin, apothéose, par le Bisso Na Bisso. C’est presque le Grand Stade à la Halle, qui ne saute pas n’est pas Lyonnais.

Comme les Neg Marrons, on fait le bilan calmement et la conclusion est que le concert est une tuerie !

Minuit. Le poids des ans est bien présent, je pars un peu avant la fin afin d’éviter les bouchons. Pourtant, je ne dormirais pas, les refrains résonneront dans ma tête jusque tard dans la nuit. Le lendemain, le réveil sonne, mal de crâne, Doliprane, mais surtout échanges de SMS avec les amis retrouvés.

Nous sommes maintenant 60 millions de sélectionneurs qui voudraient être des Didier Deschamps de l’Âge d’or du Rap français : la prochaine fois, j’espère voir Oxmo, un autre voudrait MC Solaar et enfin, un dernier pour nous faire rire, cite le nom du groupe les Little ? Mais qu’ont bien pu devenir les membres de Little en 2017 ?

La conclusion de ces mini battles téléphoniques c’est la passion qui nous habite et le désir, pourquoi pas, de revoir une nouvelle tournée dans quelques années.