Les Lyonnais n’osent pas

Il est des accessoires que l’on met uniquement pour être vu, pour être original et se faire remarquer. Flashy, extravagants, voire provocateurs, ils ne font pas l’unanimité. Si les Lyonnais les apprécient parfois, ce n’est pas pour autant qu’ils osent en porter.

C’est ce qui a causé la fermeture des Zombies de Joyce, une marque lyonnaise d’accessoires très (et apparemment trop) originaux. Joyce Cohen-Boulakia, 29 ans, vendeuse au Disney Store et créatrice à ses heures perdues, rêvait de vivre entièrement de cette activité. Néanmoins, ses produits n’ont pas eu suffisamment de succès pour que cela soit possible. Après une année de création, elle s’est vue contrainte d’arrêter.

Les bijoux, les sacs, les vêtements qu’elle réalisait avaient tous le même mot d’ordre : être les plus voyants possible. Dans le style, certains étaient enfantins (bandeaux au motif pizza ou super-héros), d’autres étaient plutôt creepy (boucles d’oreilles ornées d’yeux globuleux ou de têtes de zombies). Il ne s’agissait pas de s’habiller de la tête aux pieds de cette façon, mais plutôt d’apporter une touche d’originalité et d’humour à une tenue classique.

Malheureusement, les Lyonnais n’ont pas répondu à l’appel. « À Lyon, les gens n’osent pas, ils sont encore un peu frileux », confie Joyce. Ils préfèrent se contenter de valeurs sûres, d’habits classiques, car ils ne sont pas prêts à ce que des gens se retournent sur leur passage.

On peut avoir la certitude que de l’autre côté de la Manche les Zombies de Joyce auraient connu un succès fou. À Londres, chacun peut se vêtir absolument comme il veut, personne ne le regarde bizarrement. Ce comportement, qui consiste à ignorer la façon dont les autres s’habillent, n’est toujours pas apparu en France. Et s’il commence peut-être à arriver à Paris, pas à Lyon. Nous avons encore une mode très classique, des basiques de notre garde-robe. On s’autorise parfois quelques dérives, certains détours pour sortir du lot, avec des accessoires ou des coloris voyants, mais on reste quand même dans la retenue, la discrétion. Les quelques personnes qui se moquent de se faire remarquer par leur tenue vestimentaire, ou qui carrément souhaitent se faire remarquer, n’ont pas été assez nombreuses pour que Joyce puisse faire de la création un métier à part entière.

Ainsi, la mode est un effet de groupe : on ne veut pas se sentir seul. Quand quelques-uns se seront lâchés, tous se lâcheront. En conlusion, pour s’habiller original, on attend que d’autres le fassent. Le comble, non ?