Victimes de la mode : Lyon joue la défense.

En lien avec ce que nous introduisions précédemment en matière de cosm-éthique et en totale adéquation avec l’obsession de votre Rédacteur Stylisme, nous vous racontons notre rencontre autour du stand « Bronzez sans cruauté« . Stand d’information et de sensibilisation organisé par le collectif abolitionniste International Campaigns, le 27juin dernier, et simultanément à travers la France.

Quelles habitudes de consommation adopter pour cet été, et pour la suite ?

Apprivoiser les curieux/ses

Devant les grilles d’entrée du Parc de la Tête d’or, côté Enfants du Rhône, une distribution de tracts « Bronzez sans cruauté » invite les passants à s’arrêter au stand d’information à quelques mètres de là. International Campaigns est un collectif dont l’objectif est l’abolition totale de l’exploitation des animaux sous quelque forme que ce soit, et pour tous les domaines. Du cirque à la vivisection en passant par l’alimentation ou la mode, chaque secteur se subdivisant en de nombreux procédés et étapes qui impliquent la souffrance jusqu’à la mort d’animaux.

Les membres du collectif, armés de tracts, gadget et prospectus, sont donc pour quelques heures à disposition pour répondre et informer le public sur les thématiques cruelty-free et libération animale.
Le cruelty free (= absence de cruauté) est le terme désigné pour parler d’un produit qui ne contient aucun ingrédient d’origine animale, et n’autorise aucun test autre que sur des humains ou des cellules humaines.

Des exemplaires de produits solaires étaient exposés afin de rassurer les curieux et de se familiariser avec ces concepts encore peu domestiques. En effet les termes Bio, Vegan etc peuvent alimenter des préjugés. Les plus pressé-es se sont contenté-es de repartir avec leur kit d’introduction à la cause animale, à l’alimentation 100% végétale et divers autres produits vegan. Ces kits contiennent aussi des prospectus très détaillés sur toutes les industries non cruelty-free et même des échantillons pour le coup cruelty-free (ça rentre ?).

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À noter la présence de la marque lyonnaise Bo Ho Green dans la liste des produits éthiques, parmi d’autres marques, à des prix moyens.

Pour ceux et celles qui avaient plus de temps et l’envie d’en parler, les réactions sont assez homogènes. D’une part il est intéressant de voir que le public lyonnais soit sensible aux messages véhiculés par une telle installation (affiches, banderoles, et t shirt protestataires). D’autre part, si en règle général l’on se doute que les animaux n’aient pas la vie facile, les lacunes en terme d’information sont les mêmes pour la majorité des interpellé-es. Ainsi certain-es ont appris que les sujets abordés touchaient autant au sandwich qu’ils/elles terminaient en feuilletant des images de chats torturés, qu’à leur shampoing ou même leurs chaussures en cuir.
Outre les cosmétiques solaires l’on pouvait par exemple aussi découvrir des produits d’entretien pour la maison, autre secteur à propos duquel la plupart des gens ne soupçonne pas le moindre impact sur les animaux, ni même sur leur propre santé.

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Nous savons déjà (si si l’article sur la cosmétique du futur) que la loi européenne a aboli les tests sur animaux pour les cosmétiques, mais cela reste une industrie parmi bien d’autres.

Des chiffres et des êtres.

Les industries de la Mode et de la Cosmétique (industries qui nous intéressent pour cette rubrique) sont lourdes de bilans annuels pas très esthét(h)iques
Coté textile, habillement, accessoires, maroquinerie ou chaussures les chiffres se commentent tout seuls.

Ainsi pour le secteur de la fourrure, le plus connu et le plus incriminé par les masses on parle de plus de 50 millions d’animaux capturés/élevés chaque année (sans compter le marché noir). La fable qui permet aux consommateurs d’alléger leur conscience veut qu’il s’agisse d’animaux exotiques sacrifiés dans des contrées lointaines (en général on invoque la cruauté injustement supposée des Chinois). Il faut savoir que l’Europe compte plus de 6 000 fermes d’animaux qui sont chaque année forcés à procréer puis électrocutés à l’aide de sonde dans le rectum quand on n’a plus besoin de leurs performances sexuelles et veut arracher un pelage intact. Pour les moins chanceux comme les chiens qui vont notamment fournir les cols de parka (modèle et procédé lancés par Woolrich) on va les dépiauter à vif, pour garantir le brillant du poil.

Plus de 150 millions d’animaux encore, cette fois-ci au compteur de l’industrie du cuir, qui fournira les ateliers de confection chaussures, accessoires, ou ameublement.
Les animaux (veau, mouton mais aussi serpents croco etc) sont transportés dans des conditions inimaginables d’hygiène, de faim, de soif, d’espace. Nombreux sont ceux qui décèdent avant d’arriver aux abattoirs, et, toujours pour la qualité du matériau (puisque telle est la finalité) on préférera dans beaucoup de cas arracher la peau de leur vivant.

Du coté des doudounes, extensions pour cheveux et bijoux fantaisie, le commerce de la plume n’est pas en reste.
Bénéficiant d’une presse particulièrement mauvaise, (les oiseaux c’est mignon ça fait de la peine comme les oies pour le fois gras) les grandes marques n’hésitent pas à faire appel à des élevages peu scrupuleux où sur papiers l’on promet le fameux « en plein air ». En réalité les volatiles sont entassés, mal nourris, malades, en plus du sort qui leur ait de toute façon destiné.

Pour ce qui est de la laine, la légende raconte que si l’on ne rase pas un mouton il meurt étouffé par le poids de son propre pelage. Ce n’est pas totalement faux, il s’agit en fait d’espèces manipulées génétiquement pour les besoins du commerce. Comme les fameuses vaches à lait blanches et noires que l’ont voit sur les emballages, ce sont des créations sorties d’un labo.
Là encore les méthodes font froid dans le dos, et parmi les techniques celle du mulesing est la plus spectaculaire. Elle est justifiée par le souhait de ne pas fournir de laine défectueuse ou tachée par d’éventuelles infections/déjections de la bête, on leur coupe donc la zone autour de l’anus qui est un potentiel nid à parasites.

Un futur pull?
Un futur pull? (ceci est une des images les plus soft)

N’oublions pas non plus le commerce de la soie qui implique de bouillir des cocons où dorment des vers en pleine mue. On estime qu’il faut ébouillanter 3 000 vers pour une livre de soie (0,45kg).

À propos de soie, et pour finir sur une note (chauviniste) d’ouverture, sachez que Lyon est leader européen du textile éco-responsable avec notamment la société Altertex, qui s’impose des contraintes en matière d’impact sur l’environnement et d’origine des matériaux (même si tous ne sont pas vegan). Il faut tenir compte en effet que les élevages d’animaux pour l’industrie de la Mode et des Cosmétiques sont aussi néfastes pour la planète que les élevages de l’agro alimentaire. À savoir donc, la pollution liée à la surpopulation animale et les problématiques d’hygiène et de danger sanitaires qui en découlent, ainsi que les quantités astronomiques de denrées qui serviront à nourrir les contingents au lieu de nourrir des populations humaines nécessiteuses… qui vivent dans les mêmes régions d’où les denrées proviennent. Choses que l’on ne sait pas forcément lorsque l’on veut s’acheter une simple paire de chaussures qui ne servira que trois mois.

Lexique et l’empathie.

Chez Arlyo depuis peu, et vous l’aurez constaté la rédaction fournit un vocabulaire nouveau en matière de stylisme, des notions d’antispécisme.
Il s’agit d’un mode de pensée qui abolit toute forme de discrimination (handicap, genre, nationalité, âge, religion, couleur de peau, sexe, sexualité, couleur des yeux des cheveux des chaussures etc) jusqu’à la discrimination basée sur l’espèce animale.
C’est en d’autres termes un anti-racisme appliqué aux non-humains.
Coté mode&co cette prise de position se manifeste par une sélection attentive des matières premières pour un vêtement (ni laine du mouton, ni soie du ver, ni peau ou poils d’aucun autre animal) et, coté cosmétique, des produits à base végétale rigoureusement non testés sur animaux. Le tout idéalement dans des conditions de travail dignes pour les humains tout le long de la chaîne de production. Ces valeurs d’un point de vue commercial sont repérables sous une étiquette Vegan.

Oui d’accord mais tout ça c’est du luxe et moi j’ai pas les moyens. Et puis y’a pas d’autres problèmes plus importants ?

Questions récurrentes, autant pour le stand d’International Campaigns que dans la vie de tous les jours. Pour ce qui est des problèmes plus importants, l’alternative vegan s’oppose à la hiérarchie des priorités, tout est important, tout est urgent et surtout à la portée de chacun-e.
Pour l’aspect financier, au-delà de la compétitivité du marché qui a explosé ces dix dernières années, c’est justement là que se joue la bataille entre les industriels et les Moldus.
Pour ne citer qu’un exemple, nos ami-es d’outre atlantique, ont récemment fait plier à coup de pétitions, lettres et hashtag un géant de l’agro-alimentaire. Ben&Jerry (rien que ça), très célèbre marque de glace s’incline après quelques semaines de pression de la part de consommateurs.

La grande marque cède aux exigences des consommateurs et annonce une gamme sans cruauté pour 2016
La grande marque cède aux exigences des consommateurs et annonce une gamme sans cruauté pour 2016

Ils sont forts ces Américains, et peut-être ont-ils à nous apprendre de ce coté-là. Puisqu’on a fait de nous des consommateurs (de nourriture, de socialité, de politique, de sentiments, d’éthique etc), considérons les marques comme nos clients, inversons les rôles.
Adoptant cette vision, les stands comme celui d’IC, au-delà d’un simple militantisme, proposent une nouvelle forme d’action à impact instantané. Bien plus qu’un caricatural happening de hippies inconséquents, c’est l’occasion de construire une façon de consommer alternative, rebelle, plus responsable, plus juste.

Une découverte ou redécouverte de la portée réelle du fameux pouvoir d’achat dont on nous parle si souvent (en période d’élections surtout!).
Pour notre planète, pour notre santé, par respect des animaux, ou pour toutes ces raisons en même temps, nous sommes tous convié-es à discuter, échanger, confronter.

Nourrir une réflexion plutôt que de nourrir un business fondé sur la cruauté et la discrimination.