Frrremd, cabaret immersif de l’Étrangeté
Frrremd

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Aurélie Rousselet est une foutue créative. Elle ne le dit pas mais elle a probablement mille idées à la seconde. Elle fabrique des spectacles comme Frrremd, où se mêlent toutes les choses qui lui parlent et l’inspirent pour raconter des histoires subtiles dans lesquelles les spectateurs ont une place de choix : libres d’imaginer.

Danse macabre, genèse de l’Étrangeté

Ce morceau de Camille de Saint Saens, Danse macabre, est une des matières premières du spectacle qu’Aurélie Rousselet a inventé avec Cynthia Caubisens. On ne peut sans doute pas rêver mieux comme genèse musicale pour ces deux artistes que la version chantée du morceau. Moins connue que l’instrumentale, c’est une mise en chant d’un poème d’Henri Cazalis. Le piano mystérieux de Cynthia et la voix ensorceleuse d’Aurélie se prêtent ainsi à un voyage en Étrangeté. Un projet qui plonge dans l’univers macabre de ce morceau.

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Aurélie me raconte qu’elle connaît et aime cette musique depuis très longtemps. Un jour, en la chantant à des amis, c’est la révélation. Il faut travailler une forme à partir de ce morceau. S’associer à Cynthia, qu’elle a rencontrée lors d’une performance de danse contact, et dont elle connaît les talents de pianiste et « plasticienne sonore », est une évidence.

Ensemble elles se plongent le temps d’une forme courte dans la danse macabre. Le petit spectacle qui mêle le morceau de Saint Saens et le poème de Baudelaire du même nom est présenté en 2016 à Arts en Scène pour le Printemps des Poètes. C’est la première naissance de la longue forme Frrremd.

Vous avez dit étrange ?

Ce premier travail appelle exploration. Aurélie a envie de se confronter plus loin à l’Étrange, et à toutes ses facettes. Parler de l’Étrangeté, parler de l’étrange et donc de l’étranger. De là, le saut est rapide vers l’inconnu et les peurs collectives. Plus spécialement encore, la peur de l’Autre, qui anime tant de problématiques actuelles. L’envie est pressante de dire artistiquement son ressenti.

Avec Cynthia, elles inventent tout un répertoire d’Étrangeté. Elles se nourrissent d’archétypes classiques du monstrueux, de tableaux, de poèmes, de musiques, de chants. Elles s’inspirent des films expressionnistes allemands comme ceux de Fritz Lang. Surtout elles aiment les cabarets berlinois des années 20. Ces cabarets intimistes, aux accents politiques et satiriques, prennent une place importante dans la création de Frrremd, qui s’y attache par sa forme de long numéro piano-voix.

Le spectacle est un entremêlement joyeux de toutes ces inspirations. Esthétique classique et contemporaine se côtoient au long du spectacle, stimulant en des points différents notre imaginaire collectif, et notre imaginaire individuel.

Le danseur et comédien berlinois Valeska Gert, années 20, est une inspiration d'Aurélie
Le danseur et comédien berlinois Valeska Gert, années 20, est une inspiration d’Aurélie

Frrremd, en allemand dans le texte – mais pas que

Il semble important de le préciser. Même s’il serait peut-être aussi intéressant de ne pas le préciser.

Le spectacle est franco-allemand, et mêle comme on l’a dit des inspirations et des matières artistiques issues des deux cultures. C’est une manière de parler de l’Étrangeté, d’utiliser la langue comme matériau. C’est le premier facteur d’incompréhension et de différence face à l’Autre. La question du langage est explorée, à travers la traduction, à travers la non-traduction, avec des textes qui se font écho, des inventions d’outils de compréhension. L’étrangeté de la langue doit nous perdre encore un peu plus dans les dédales de l’immersion sonore en Bizarrerie que propose Frrremd

Voyage en subtilité

Aurélie m’a parlé de beaucoup de choses quand nous nous sommes rencontrées. Elle m’a dit ses envies, ses intentions pour ce spectacle. Quand elle en parle, elle parle avec son corps, qui ne dit que trop bien son engagement et son enthousiasme pour cette création. Son amour pour tous les éléments qu’elle a mis dans sa grande marmite à création m’est bien parvenu. Et j’ai envie d’en garder un peu pour moi.

C’est une artiste qui aime la subtilité. Qui veut laisser la place aux spectateurs d’imaginer et d’inventer pour eux-mêmes. Frrremd n’est pas un spectacle qui vous prend par la main pour vous guider du début à la fin d’une histoire. J’imagine que c’est une pièce d’Étrangeté assez surprenante.

Alors, j’ai envie que vous soyez surpris, et qu’un peu de magie du spectacle reste intacte pour vous lecteurs. Je garde pour moi quelques informations cruciales, mais sachez que vous serez bien accueillis, bien immergés et sans doute un peu égarés dans la « Fremdheit » de Cynthia et Aurélie. De ces égarements poétiques des plus agréables.

Aurélie et Cynthia © Alina Noir
Aurélie et Cynthia © Alina Noir

C’est difficile de parler bien de ce spectacle sans craindre de gâcher ce qui en fait la particularité. Mais je ne peux pas terminer cet article sans avoir dit qu’Aurélie a une voix incroyable, et Cynthia une capacité à sculpter le son de manière complètement étonnante. Allez voir… !

Informations pratiques

Samedi 28 janvier à 20H30
Dimanche 29 à 18H
À la Boîte à Gants, 6 rue Pierre Blanc, 69001 Lyon – à côté du jardin des plantes.
Adhésion à la Boîte à Gants : 4€ + prix libre à la sortie pour les artistes.
Réservations conseillées : laboiteagant@gmail.com
04.72.00.20.56