F(l)ammes à L’Espace Bron: un empowerment féminin qui fait plaisir à voir
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J’arrivai sans réelle attente, j’avais entendu parler de cette pièce d’Ahmed Madani composée de 10 femmes, une prise de pouvoir scénique particulièrement intense, m’avait-on dit. C’était mardi 06 février à l’Espace Albert Camus à Bron.

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Crédit photo: Compagnie Madanie

Dans F(l)ammes, il est question d’altérité. C’est une représentation bouleversante de la vie de dix femmes françaises, chacune ayant ses racines familiales dans un pays étranger – de la Côte d’Ivoire à l’Algérie, en passant par la Guinée Conakry et la Guadeloupe.

 

F(l)ammes : Episode 2 d’un triptyque avec des jeunes des quartiers

Le spectacle fait partie d’un triptyque, « Face à leur destin », créé en 2012 par Ahmed Madani avec de jeunes habitantes et habitants de quartiers populaires. 3 spectacles, 3 logiques : Illumination(s), réalisé avec des jeunes hommes, F(l)ammes réalisé avec des jeunes femmes et enfin Des garçons et des filles (titre provisoire) réalisé avec des jeunes femmes et des jeunes hommes de ces mêmes quartiers.

Pour cette cent-quarante neuvième représentation de F(l)ammes, le public était au rendez-vous, nous affirme Ahmed Madani, le metteur en scène : « un rapport scène-salle magnifique », qui a permis qu’altérité et égalité soient rendues à la fois utopiques et profondes. C’est un spectacle réalisé par un homme de théâtre, mettant en scène la jeunesse féminine des zones urbaines sensibles parisiennes.

Madani: j’ai la faculté de disparaître pour que la parole de l’autre apparaisse

Comment un metteur en scène homme a-t-il pu permettre à dix femmes de se révéler si authentiquement ? Voici la réponse d’Ahmed Madani :

« Je me suis quand même très souvent mis en retrait des discussions. Je ne suis pas une femme – bien que né d’une femme. Alors au moment où elles se mettent à parler des choses qui les concernent, je me retire, je branche mon dictaphone, ma caméra, et j’écoute, puis parfois, je guide un petit peu la discussion vers des choses qui peuvent m’intéresser. Je n’ai pas de parti pris, je ne veux pas avoir une parole qui dira « c’est comme ça ». Je réalise un accompagnement dans la réflexion. J’ai la faculté de disparaître pour que la parole de l’autre apparaisse. Quand je me retrouve tout seul dans mon univers d’écrivain, j’ai un matériau brut magnifique, époustouflant. Comment moi, ma plume, va pouvoir retranscrire cela pour dépasser cette parole ? Le plus dur, c’est de dépasser la parole entendue pour restituer une scène. Et des fois, la restitution d’une journée de travail, ça va être trois mots ! Il fallait sortir la substantifique moelle qui était là, et permette que ça naisse, que ça émerge. J’ai l’impression que le fait d’être un homme, ça m’a donné cette facilité là ; parce que j’étais observateur de personnes que je ne pouvais pas comprendre absolument.  Et donc j’avais une vraie curiosité, que je développais pour fabriquer le spectacle. »

L’intime au cœur de la révolte

Ce spectacle, donc, ne s’attache pas seulement à transmettre un message politique, sociologique ou historique. Ce qui compte, c’est l’intime, l’individu. Le spectateur est plongé dans l’individualité familiale de chacune des actrices, individualités qui créent pourtant un ébranlement collectif. C’est un message universel qui appelle à la reconnaissance, certes, mais avant tout à l’acceptation. C’est la demande d’une ouverture, d’une curiosité qui pousse à la découverte, donc à la compréhension de l’autre. L’autre qui n’est pas si différent, puisque « regardez, je suis française, comme vous, j’ai une vie banale ». Ce spectacle rappelle avec force qu’il est temps d’arrêter de porter un regard  centré sur une histoire dont ces jeunes n’ont pas été les acteurs.

Les femmes issues des quartiers populaires de banlieue, c’est rare d’en entendre parler. C’est rare de les entendre parler. Cette pièce leur redonne une voix, une place et le pouvoir d’affirmer leur force avec fougue et confiance. A travers la parole, le chant, la danse, elles expriment toute leur puissance, qui se révèle en crescendo au long de la pièce. On finit debout, ravivé de tant d’empowerment féminin.

« Là c’était vraiment génial! »

Et il semble effectivement que ces bribes de vie, racontées avec exaltation autant qu’avec humour, n’ai pas laissé le public de marbre : « Je ne vais jamais voir de spectacles, mais là c’était vraiment génial ! », dira une spectatrice en sortant de la représentation.

Le spectacle sera en tournée jusqu’en avril 2018 !

Je vous laisse désormais écouter Nina Simone, dernière note du spectacle, reprise par une des actrices sous un tumulte d’applaudissements.

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