Aurous : les artistes craignent-ils le streaming ?

Depuis plus d’un mois, le nom « Aurous » est partout. Souvenez-vous, ce logiciel était dépeint par les médias mainstream comme la petite sœur de la plateforme de streaming illégale : Pop Corn Time. Sauf qu’ici, on vous parle de musique.

C’est un fait, le streaming est une affaire gagnante. Enfin, à condition qu’il soit légal. Selon un rapport de la SNEP en 2014, il y aurait autant de ventes de morceaux ou d’albums provenant du numérique que de ventes dites « physiques » et ce, dans le monde entier. Le développement de Spotify, Deezer, Apple music, etc, se soldent par un engouement de plus en plus conséquent du grand public. Mais alors, qu’est-ce qu’Aurous ?

Aurous, un mal pour un bien ?

Dans un article de Nova Planet, Aurous est désignée comme la petite sœur de Pop Corn Times. Il s’agit en fait d’une plateforme musicale illégale utilisant le peer-to-peer. Selon son développeur, Andrew Sampson, cette dernière permet aux utilisateurs de ne plus devoir payer, tout en permettant aux artistes de se faire connaître. Si Aurous n’est à l’heure actuelle disponible qu’en version bêta (donc franchement pas facile à faire fonctionner), son lancement fait polémique dans toute l’industrie de la musique…

Cette dernière n’a pas tardé à réagir puisque Aurous a suspendu ses téléchargements depuis le 16 octobre. Le site reçoit désormais un nombre innombrable de soutien sur les réseaux sociaux :

La raison de cette suspension s’explique au niveau juridique. Moins d’une semaine après le lancement de la plateforme, trois plaintes ont été déposées par, et c’est presque habituel : les majors Sony, Universal et Warmer. Les mêmes qui menacent justement Soundcloud en ce moment. Pour Aurous, la menace est grave : si ces majors remportent le procès, Aurous pourrait leur devoir jusqu’à 150 000 dollars… par morceau.

S’adapter à son temps

ArlyoMag est allé à la rencontre de différents artistes de la scène musicale française avec une seule question : « Que penses-tu d’Aurous ? Est-ce vraiment une révolution technologique ? »

Pour Klaaar, dont on vous parle ici et ici, ce n’est pas Aurous qui fera une différence dans ce monde large qu’est la musique en streaming :

« Disons que quand tu dig de la musique depuis dix ans, des sites comme ça, tu en as vu passé des dizaines. À l’époque on avait Napster, Audiogalaxy et j’en passe. Ils ont tous dû fermer. Et ce sera aussi le cas d’Aurous quand les majors auront mis suffisamment de pression sur le gouvernement pour que la loi s’adapte. Pour l’instant, ce site joue sur les limites de la loi. »

Nicolas aka Nömak, se rallie à cette opinion :

« Honnêtement je pense que ce n’est pas cette plateforme qui fera la différence. On a déjà accès à 90% de la musique en MP3 juste en tapant le nom sur Google. On est dans une ère où acheter des albums est un acte militant. Cela concerne une minorité de personnes qui veulent soutenir les artistes ou veulent une qualité de son optimale. Aujourd’hui, les artistes français vivent de prestation live et pas des ventes d’album. Donc bon, c’est pas Aurous qui va changer la donne. C’est encore un coup des médias pour faire du sensationnel. On oublie bien trop souvent qu’à la base Deezer, c’était gratuit. »

@RTL
@RTL

Enfin, l’artiste lyonnais Phazz rajoute :

« Quand tu vends des milliers de disques et que ta musique est largement écoutée, je pense qu’effectivement, cela peut causer un trou dans les recettes et poser des soucis aux ayants-droits. Mais soyons réalistes : quand bien même nous, artistes, nous touchons des droits sur le streaming, nous touchons une somme dérisoire. Est-ce vraiment si important que ça de se battre sur quelques lectures quand on facture $500k un show ? Je n’en suis pas si sûr. De l’autre côté maintenant, il y a les jeunes artistes comme moi qui sont dans leurs chambres et qui tentent de faire quelque chose de leur passion. Dans ce cas, je pense que se retrouver sur des pages afin que notre travail soit téléchargé gratuitement ou même illégalement est une victoire en soit puisque cela veut dire qu’elle est diffusée. Cela permet d’acquérir une réelle exposition qui, parfois, permet aux jeunes artistes de jouer, de faire d’autres rencontres, et de s’exporter. (…) Maintenant la société a appris à jouer avec ces nouveaux codes. »

Les secteurs, légaux comme illégaux, de l’industrie musicale mutent perpétuellement avec l’arrivée du numérique. Cependant, ce n’est apparemment pas avec Aurous qu’une véritable transformation des structures de l’industrie s’opérera. Tant qu’il n’y aura pas de solution durable, ce secteur restera handicapé, voir paralysé par son incapacité à évoluer avec son temps.