Carmen et l’Arlésienne à l’Opéra de Lyon : un hommage intemporel
Carmen et l'Arlésienne

Mercredi 18 novembre, on jouait Carmen & l’Arlésienne à l’Opéra de Lyon, pour la première fois depuis les attentats de Paris. Les chorégraphies de Roland Petit conservent chacune à leur manière la modernité qui les caractérisa quarante ans plus tôt.

L’Arlésienne

Le rideau s’ouvre sur le décor réalisé par René Allio en 1974. Une grande toile de fond à mi-chemin entre Van Gogh et Cézanne nous plonge dans la campagne provençale où prend place un drame qui porte le nom d’une beauté invisible et fatale : l’Arlésienne. Invisible, car une des particularités de l’héroïne de la nouvelle d’Alphonse Daudet est l’absence sur la scène de son rôle titre. Fatale, car la passion amoureuse que lui porte le jeune Frederi le mène au suicide. Selon l’expression consacrée, « on en parle, on en meurt mais on ne la voit pas ».

crédits : Opéra de Lyon
Crédits : Opéra de Lyon

Aux premières notes du thème de George Bizet, les danseurs s’élancent d’un pas de deux, révolutionnaire en son temps car allant à l’encontre des codes de la danse classique. Les personnages de Frederi et de Vivette sont mis en valeur par un cœur de paysans qui, comme au théâtre antique, content leur histoire. Frederi (Leoannis Pupo-Guillen) est fiancé à l’Arlésienne mais lui préfère finalement la douce Vivette (Kristina Bentz) car l’Arlésienne a une réputation de femme infidèle. Il n’arrive cependant pas à chasser de sa tête l’image de la belle, ce qui va le conduire au suicide. C’est un drame classique, porté par une musique iconique. La simplicité de sa mise en scène met en valeur le caractère tragique d’un amour provençal romancé.

Carmen

On retrouve ici le drame de Prosper Mérimée, avec quelques modifications. Un Don José plus audacieux que dans le drame publié en 1847, une Carmen dont les boucles andalouses ont été troquées pour une coupe à la garçonne. Cette coupe est un symbole que l’on imagine dur à porter pour Polina Semionova qui, bien qu’en sa qualité de danseuse principale de l’American Ballet Theatre, doit ce soir tenir la comparaison avec l’irremplaçable Zizi Jeanmaire, partenaire et muse de Roland Petit qui écrivit ce rôle pour elle.

crédits : Opéra de Lyon
Crédits : Opéra de Lyon

Encore aujourd’hui, la chorégraphie de Roland Petit étonne par son audace et le regard nouveau qu’il apporte sur Carmen. Au dénouement des tensions amoureuses et meurtrières qui structurent le drame sévillan, il est dur de savoir si Don José, rongé par un amour destructeur, poignarde Carmen ou bien si la belle bohémienne, dans un élan passionnel, se jette sur la dague brandie par le militaire. De même, l’utilisation de chaises par les danseurs conserve son caractère résolument innovant, bien qu’ayant été largement reprise dans de nombreux spectacles depuis.

Ces deux spectacles, présentés l’un après l’autre, sont autant d’hommages à un homme et une femme qui osèrent provoquer, allant jusqu’à faire hurler un public autant conquis que déstabilisé. Le 21 février 1974, au Prince’s Theatre de Londres, une page de l’histoire de la danse se tournait. Mercredi dernier, prendre place dans la salle de l’Opéra de Lyon permettait de revivre en partie ces instants décisifs et d’en saisir le caractère résolument spécial.