Chair de Poule : Fais-moi Peur ou Pas ? Critique

Voulant surfer sur la mode du reboot, titillant la fibre nostalgique du spectateur, Sony Pictures décide de lancer, pour renflouer ses caisses, une série de films rétro «  high concept ». Le studio décide donc, après Pixels, d’aller déterrer les romans horrifiques pour la jeunesse du label Chair de Poule, avec Jack Black en tête d’affiche et Rob Letterman à la réalisation, l’équipe de la dernière adaptation des Voyages de Gulliver.

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Il suffit d’aller lire la fiche technique pour avoir peur par avance du pedigree du film : Neal H. Moritz à la production, (Fast and Furious et dérivés, l’ovni Torque et le con mais rigolo Furtif mais aussi du phénomène des années 90 qu’a été Sexe Intentions) ; le duo Scott Alexander et Larry Karaszewski au scénario, ayant signé les fort bons scénarios de Ed Wood, Larry Flint et Man of the Moon mais également le second Percy Jackson. Et enfin Darren Lemke, scénariste de Shrek 4 et Turbo mais aussi Jack, le chasseur de géants. La présence de Deborah Forte, créatrice de la série Chair de Poule est là pour réconforter sur la fidélité au matériau d’origine… ou pas.

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Déjà, l’idée la plus brillante est de ne pas avoir choisi un roman parmi les œuvres de RL Stine mais de faire un scénario totalement original et « meta » où le héros du film est RL Stine lui-même ainsi (et surtout) que le groupe d’ados, qui seront les héros devant affronter non pas un des monstres tiré des romans mais tout le bestiaire, dans un festival fantastique digne de Jumanji. Et justement, l’ombre du film de Joe Johnston plane en permanence sur le film jusque dans le déroulement du récit qui emprunte également au méconnu Coeur d’Encre (où des créatures fantastiques sortait par accident d’un livre magique) mais aussi, en filigrane, à SOS Fantômes.

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Ayant déjà fortement pompé les grandes lignes dudit SOS Fantômes sur Pixels l’an dernier en se contentant de remplacer les fantômes par des personnages de jeux-vidéo, le doute subsiste sur le produit final que sera ce film Chair de Poule. Pourtant, le miracle a eu lieu : dès les premières bandes-annonces, le film ne semble pas être le véhicule pour stars que fut Pixels ; bien au contraire, l’ombre à la fois rassurante et enthousiaste des productions Amblin plane dessus tandis que le bestiaire d’épouvante des récits de notre enfance prend vie à l’écran une nouvelle fois. 20 ans après la série télé, le film garde encore sous le coude nombre de surprises qui ont fait disparaître mes derniers doutes.

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Soyons honnête immédiatement : Chair de Poule n’a jamais prétention à être un grand film fantastique. Mais surtout, comparé aux livres d’images-souvenirs/pompes à fric, qu’ont été Jurassic World (que je défends tout de même), Terminator Genisys ou Star Wars VII, il ne joue à aucun moment sur la nostalgie ni ne s’en sert comme justification scénaristique ou visuelle pour masquer les défauts et trous béants derrière sa mise en image.
Malgré la qualité décevante du script et ses nombreux mais légers défauts d’écriture, le film ne ment pas sur la marchandise et se permet même des initiatives que la concurrence, aussi bien fantastique qu’horrifique, n’a jamais osées prendre : des rebondissements et une esquisse de fond psychologique (oui oui, dans un film fantastique destiné aux enfants).

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Malheureusement, la présence de l’humour est trop souvent un frein voire un véritable poids pour la mise en place d’une scène de tension ou de suspense. Un peu comme dans les productions Marvel, des scènes sont désamorcées en quelque secondes par un gag ou une réplique, peu importe l’atmosphère qui fut installée juste avant (les scènes en voitures ou dans le supermarché avec Champ par exemple).

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Je passerai aussi sur la séquence d’exposition, faite sur un mode de “cahier des charges version pilote automatique” (trauma familial avec séquence émotion, présentation-cliché des personnages secondaires et du caractère de chacun) mais aussi sur le déclencheur de l’action sur lequel je reviendrai.

J’excuserai aussi le fait, que vu l’âge ciblé, nous n’ayons droit qu’à du frissons pour enfants. Ainsi, la rencontre avec des zombies dans un cimetière n’est jamais effrayante, pas plus que le climax du film très « Plants vs Zombies ».

Et pourtant, malgré cela, le film arrive encore à surprendre, et même offrir exactement ce pourquoi nous sommes venus.

Prendre Jumanji comme modèle mais le transposer dans un univers horrifique est déjà la garantie d’une certaine variété dans le bestiaire mais également de nombreux dégâts et situations catastrophiques et périlleuses, ainsi qu’une escalade dans le registre de la surprise. Excepté que remplacer flore et faune exotiques par un bestiaire fantastique horrifique tiré de roman ne peut que créer des scènes à la hauteur de nos attentes ; sauf que le film ne se repose jamais sur son postulat de base pour créer une dynamique de situation et d’enjeux encore inédits pour peu qu’on se laisse emporter par l’histoire.

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La vraie grande innovation vient surtout de Slappy, pantin maléfique et part sombre de son auteur, qui fait basculer le film dans le fantastique horrifique pur. D’où mon parallèle avec SOS Fantômes où un meneur libère des créatures et détruit le seul moyen de les capturer, tordant complètement le concept répétitif que beaucoup attendaient.

Et, fait étonnant, entre deux scènes toutes plus spectaculaires et divertissantes les unes que les autres, les scènes de face à face opposant Stine à Slappy creusent une épaisseur psychologique à laquelle on ne pouvait pas s’attendre, jusque dans un plan superbe de la vitre illustrant parfaitement la dualité entre le créateur et sa créature.

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Sans jamais se montrer orgueilleux ou prétentieux envers son matériau d’origine, ni se moquer de ses personnages ou de son public comme le faisait Pixels, Chair de Poule est une surprise réellement divertissante dans le paysage fantastique et cinématographique actuel, rendant à la fois hommage à ses aînés des productions Amblin mais aussi à nombre de pépites méconnues du grand public (je pense surtout à l’excellent Monster Squad de Fred Dekker), tout en étant à la fois innovant et totalement respectueux de l’ambiance des romans (magnifique générique de fin qui vous replongera en enfance si vous avez lu les romans).

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En offrant un magnifique écrin et des scènes de divertissement assez dingues pour le public des 2010’s (la scène de la mante religieuse et le climax sur la roue arrivent à faire oublier les films ayant eu cette même idée), ainsi que pour les fantasticophiles, une galerie de monstres variée et très chouette (mais que j’aurais voulu voir de plus près pour certains) et un Jack Black qui n’a jamais été meilleur que dans le genre fantastique (King Kong et Tenacious D surtout), faisant oublier sa précédente collaboration avec Rob Letterman sur Gulliver, et en attendant son concurrent direct au mois de Mai, Krampus, dont je vous parlerais sans faute, je ne peux que vous recommander de voir Chair de Poule, peu importe votre âge.

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Philippe Orlandini

Chroniqueur cinéma, séries et actu geek en général. On me dit le sosie de quentin tarantino et de voldemort.