Kubo et l’armure magique : un très grand spectacle et bien plus encore

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C’est le quatrième film du studio d’animation Laika, après les très bons Coraline, Paranorman et Les Box trolls. Le studio est spécialisé dans l’animation image par image, et Kubo et l’armure magique (Kubo and the two strings en VO) surpasse encore plus leurs précédents efforts et repousse la technique de l’image par image, ou « go motion », à la limite de la perfection filmique… non, la limite a été franchie, et de très loin.

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Le film raconte l’histoire de Kubo, un jeune garçon vivant avec sa mère et qui est conteur d’histoires via des origamis, soit des figures de papier plié. Mais Kubo est surtout le fils du samouraï Hanzo et a hérité des pouvoirs de sa mère, qui lui permettent de donner vie à ses figurines de papier pour divertir ou se protéger via le son des notes d’un shamisen.

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Fuyant une menace qui apparaît à la tombée de la nuit et qui le traque lui et sa mère, ce qui devait arriver arriva, et le destin de Kubo bascula.

Aidé par un singe totem devenu vivant et un samouraï changé en scarabée, le jeune garçon et ses deux compagnons de voyage partent alors en quête des trois parties de l’armure magique de son père.

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Il est assez difficile de raconter les tenants et aboutissants de l’histoire sans trop en révéler car, comme de nombreux films avant lui (dont la plupart ont été des échecs par ailleurs), une histoire simple au service de la narration par l’image ne convient plus au public d’aujourd’hui, et le choix d’une technique d’animation aussi « ringarde et dépassée » comparée aux films en CGI n’aide pas non plus à convaincre les spectateurs, qui préfèrent des formatages rassurants aux moindres tentatives d’innovation filmique, aussi bien dans le domaine du cinéma classique que d’animation.

Servi par une technique d’animation loin des standards actuels, le studio Laika, avec son président/réalisateur Travis Knight, brise totalement la frontière existant entre cinéma et animation.

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Ambition technologique, démesure visuelle constante et inventivité de chaque instant sont les premiers mots qui viennent à l’esprit au vu des images à en décrocher la mâchoire qui forment le film, sans qu’à un seul moment on ait encore l’impression d’avoir à faire, en terme de narration ou de mise en scène, à un film en image par image.

Pour se rendre compte du travail de titan effectué par les artisans et le défi technique absolument époustouflant qu’il représente, jetez un œil à la vidéo ci-dessous.

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Si les images, sublimées par le score de Dario Marianelli (compositeur du réalisateur Joe Wright entre autres choses), ne vous parviennent pas à vous convaincre de vous rendre immédiatement en salles seul(e) ou avec vos enfants, votre famille ou vos collègues (et d’y retourner après tant qu’il est encore en salles), le scénario du film et ces différentes couches de lecture finiront de vous emporter dans le spectacle ahurissant de ce conte épique et visuellement gargantuesque.

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On pourrait croire qu’au-delà du folklore asiatique conté dans le film, Kubo offre plus de richesse thématique, folklorique, psychologique et sensitive qu’on ne peut l’imaginer sur une simple bande annonce, qui cachait en fait habilement à la fois les nombreux rebondissements du film mais surtout une grande partie des bases mêmes de sa richesse scénaristique.

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À commencer tout d’abord par l’un des éléments centraux au film, qui est l’art de l’origami, servant à la fois à raconter de façon intradiégétique sa propre histoire sous la forme d’un spectacle de rue merveilleux et fascinant, et à d’autres reprises dans le film.

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Le sens du mot « origami » vient du japonais oru, « plier », et kami, « papier » ; ce qui est amusant là-dedans est qu’à cause de l’agglutination pour créer un mot nouveau, kami devient gami dans « origami », gami signifiant « esprit » ou « dieu » en japonais. Quand on sait que l’origami était un usage religieux qui consistait à créer des divinités sous forme d’icônes de papier, la signification première prend tout son sens devant les images du pouvoir de Kubo dans le film.

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Tout comme le choix de son totem avec le singe, qui reprend l’histoire du conte des « trois singes de la sagesse », quand la phrase clé répétée 3 fois dans le film (selon la tradition orale du conte) dit bien : « de ne surtout pas cligner des yeux, de rester attentif au moindre détail et ne pas être dissipée, sous peine de voir le héros périr ».

Hors, la statuette représente un singe les bras le long du corps donc qui ne se couvre ni les oreilles, ni les yeux ni la bouche comme les trois singes du conte. Véhiculant ainsi à l’image la représentation même des paroles de Kubo, qui disent de regarder et de rester attentif à tout ce qui sera raconté et montré durant le film.

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Le troisième symbole réside en le personnage de Scarabée. En cherchant la signification symbolique du scarabée, il s’avère être une représentation de celui qui permet d’accéder à l’immortalité, soit le pouvoir détenu par l’armure magique d’Hanzo. Le scarabée était aussi l’étendard des samouraîs d’Hanzo, le père de Kubo.

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Mais si ces trois éléments ne vous ont pas encore convaincu des différents niveaux de lecture et du fond symbolique et mythologique que véhiculent l’univers dépeint, sachez que le film ne se contente pas de simplement citer le folklore japonais, il puise également sa richesse dans la pop culture, …

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… des films traditionnels à ceux d’’animation, en passant par le manga, les romans, les jeux-vidéo et même la peinture traditionnelle (la mère de Kubo est une représentation de la femme du peintre Hokusai), allant jusqu’à citer des genres cinématographiques. 

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Du Kaiju Eiga (films de monstres japonais, dont le plus célèbre représentant est Godzilla) au Kwaidan Eiga (films de fantômes, célèbres par la série des Ring ou The Grudge) et leurs plus dignes représentants actuels, de Ray Harryhausen à Hayao Miyazaki, en passant par Guillermo Del Toro, Edgar Wright, Stephen Chow ou encore le mangaka Junji Ito ainsi que les films de Chambara et de son héritier dans l’animation japonaise récente, l’immense Yoshiaki Kawajiri (Ninja Scroll), Kubo est une déclaration d’amour à toutes les formes d’art présentes dans la pop culture asiatique et occidentale, …

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… bénéficiant d’une galerie de personnages tous plus riches et attachants les uns que les autres (mention à la grand-mère, aux deux sorcières ou à la galerie de monstres que va croiser Kubo).

Autre que la relation douce amère qu’il entretient avec sa mère puis celle plus tendre et légère qu’il entretient avec Singe puis Scarabée, ses relations avec les autres personnages, bien qu’ils soient peu nombreux (et certains ayant une apparition presque trop brève, comme le Roi Lune, Hanzo…), procure une dose de légèreté et d’humour à l’histoire (les dialogues ou gags de situation avec Scarabée ainsi que mini Hanzo). 

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La scène du rêve avec le temple qui se déploie, la scène des oiseaux de papier, le bateau de feuilles, tout cela oscille entre le merveilleux lyrique et onirique…

Le récit mythologique et épique, avec les combats contre les sorcières ou les monstres notamment, est spectaculaire. Le spectacle de rue de Kubo, le merveilleux contemplatif et parfois philosophique (la scène des grues et celle des lanternes, réunies lors du final), l’émotion (l’introduction tragique avec la mère de Kubo, puis l’exposition présentant Kubo qui s’occupe d’elle, la destinée tragique familiale reliant différents personnages), les frissons à de nombreuses reprises (le jardin des yeux, la première apparition des sorcières, le squelette gardien)… Kubo et l’armure magique est un spectacle permanent, ne laissant aucun répit en terme d’émotions et de spectaculaire.

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Plus qu’un grand film d’animation d’une richesse thématique au-delà de ce qu’on est en droit d’attendre à l’heure actuelle, Kubo et l’armure magique est un film à l’image de celui conté par son héros : un spectacle total, au cœur de l’enfance et des contes, pour mieux comprendre l’essence même de la création et celui de l’imagination de l’art lui-même.

Pour toutes les raisons évoquées, oubliez tous vos doutes, ne perdez pas un instant et foncez voir le film s’il passe près de chez vous !

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Philippe Orlandini

Chroniqueur cinéma, séries et actu geek en général. On me dit le sosie de quentin tarantino et de voldemort.