Compte-rendu du festival Hallucinations Collectives (Partie 1)

La 9e édition du festival des Hallucinations Collectives a fermé ses portes. Retour sur une partie de cette programmation aussi riche et variée que totalement à part des franges de l’actualité.

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Pour tous ceux ne connaissant pas le festival, les films présentés et programmés sont des œuvres pour la plupart méconnues du grand public et même des cinéphiles, certains ayant acquis une certaine reconnaissance sur les seuls titres ou la réputation de leur réalisateur/trice.

Le festival permet de (re)découvrir des films sur grand écran, offrant un programme entre avant-premières de films de genre et films de série B, autour d’une thématique commune (cette année, la gente féminine) et des facettes variées et riches que le genre peut offrir.

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Cet article se fera en plusieurs parties : tout d’abord, un retour sur des films déjà sortis, liés au thème du festival ou à l’une des séances spéciales. Puis, nous reviendrons sur des films encore inédits ou sortis en salles ou VOD récemment.

PARTIE 1: ET LE BIS ENGENDRA LA FEMME…

Black Moon (1974)

Un film de Louis Malle et Kathryn Johnson.

Fuyant la guerre, une jeune femme trouve refuge dans une ferme isolée. Elle s’intègre tout naturellement à la famille qui l’occupe, et partage le mode de vie pour le moins surprenant des maîtres des lieux.

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Le nom de Louis Malle (Lacombe Lucien…) est déjà surprenant à voir lorsque le film démarre, puisque comme nombre de metteurs-en-scènes s’y sont déjà essayés, Black Moon est un exercice de style à part entière. Allégorie psychanalytique autour de l’adolescence et ses pulsions refoulées, le film est une démarcation d’Alice aux pays des merveilles dans la campagne française, oscillant vers le genre post-apocalyptique au détour de vignettes de bataille surréaliste. 

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Lilly, l’héroïne, se retrouve au sein de cette ferme où l’étrangeté est de rigueur. De l’économie de mots au profit de l’imagerie et de la mise en scène, où le dialogue est aussi surréaliste que le contexte de certaines séquences (une vieille dame alitée discutant avec un rat avant d’être allaitée par la jeune fille, des enfants nus s’amusant à maltraiter un cochon, une licorne dans le jardin gardant des fleurs qui parlent, une pulsion de violence reconstituant un tableau et le rapport quasi freudien entre la jeune fille et le serpent jusqu’à un plan final très… symbolique).  

Composant son cadre comme des tableaux de la Renaissance et traversé de séquences aussi marquantes qu’étranges, y compris pour les habitués du roman de Lewis Carroll, Black Moon fera le bonheur des spectateurs en manque d’une certaine dose de psychologie et de symbolisme.

Spetters (1980)

Un film de Paul Verhoeven et Gerard Soeteman.

Rien, Eef et Hans partagent la même passion pour le motocross, et rêvent de gloire, de fortune et de femmes. L’arrivée de Fientje, vendeuse de frites itinérante, va bouleverser irrémédiablement l’équilibre du groupe, et changer leurs destinées.

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Avant-dernier film de la période hollandaise du réalisateur futur de Robocop, Total Recall ou La Chair et le Sang, Spetters est un teen movie aussi irrévérencieux que rafraîchissant, et est en même temps une vraie vitrine du cinéma de Paul Verhoeven : ici, l’adolescent est filmé sans aucun tabou et son quotidien montré de la manière la plus réaliste possible, confrontant des adultes travailleurs, croyants et pratiquants, à une jeunesse insouciante, soutenant le héros local, star de motocross, interprété par le toujours parfait et charismatique Rutger Hauer, l’inoubliable Roy Beatty de Blade Runner.

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Bien que datant des années 80, le scénario offre nombre d’intrigues et de rebondissements encore complètement d’actualité, imprégnant les décors d’une esthétique américaine par moment (le tunnel ou encore certains paysages lors des courses de motocross) mais avec une sensibilité européenne. Au détour de séquences où le manichéisme est aboli (je vous mets au défi de deviner comment finit le film), les personnages se révèlent tour à tour sympathiques ou antipathiques, pitoyables ou attachants, jusqu’à s’identifier à eux dans leurs rêves brisés ou, tout comme eux, de succomber au charme de la blonde Renée Soutendjik.

Appel d’Urgence (1989)

Un film de Steve de Jarnatt.

Rencontrer son âme sœur. La séduire. Manquer son premier rendez-vous. Décrocher le téléphone d’une cabine publique. Apprendre que la fin du monde est programmée pour dans 70 minutes. Chercher sa belle dans le chaos pour la sauver…
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Inconnu du grand public, ce film mérite une réhabilitation de la part des fantasticophiles et bisseux le plus rapidement possible. Offrant des scènes surréalistes et d’un nihilisme assez osé (la mort des deux policiers à la station service, la fin de certains personnages), Miracle Mile est une perle noire paranoïaque préfigurant le genre cinématographique post 11 septembre avec une ambiance de fin du monde à l’échelle d’un quartier de Los Angeles.

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Servi par une réalisation assez impressionnante parfois (très joli plan continu dans le gymnase, travelling ample ou plan à l’épaule), et préfigurant Chute Libre de Joel Schumacher dans sa peinture sociale, tout en empruntant au genre du film catastrophe ses scènes de panique et de paranoïa, mais en gardant un aspect uniquement civil et intimiste sur une poignée de personnages comme seul un George Romero le proposait dans les années 60-70, via une course contre la montre épuisante pour les nerfs du spectateur et se concluant de la manière la plus audacieuse et sombre possible, chose complètement à contre-courant ou extrêmement osée dans les films des années 80 ; en somme, pour tous les amateurs de thrillers, et que le ton désespéré et parfois un peu violent de ce genre de film n’arrête pas, Miracle Mile est à voir absolument.

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Philippe Orlandini

Philippe Orlandini

Chroniqueur cinéma, séries et actu geek en général. On me dit le sosie de quentin tarantino et de voldemort.