« Équation multiple » ou l’art d’interroger les syncrétismes artistico-culturels
équations multiples

ArlyoMag a eu la chance d’assister en exclusivité à une visite commentée en présence des artistes et de Romain Weber, commissaire de la nouvelle exposition collective à la Taverne Gutenberg. La sixième du genre depuis l’ouverture l’année dernière du laboratoire artistique basé en plein cœur de la Guillotière. Elle rassemble une trentaine d’artistes autour du thème « Équation multiple ». Pour l’occasion, les vieux murs de la Taverne se parent d’œuvres questionnant la place de l’individu dans la diversité et la multiplicité des échanges. Une diversité à l’origine d’un syncrétisme naissant, où les cultures, les visions du monde se mêlent. ArlyoMag a sélectionné pour vous ses coups de cœur. À découvrir jusqu’au 26 février.

3YONE

TaverneDans l’optique d’interroger le spectateur sur les bienfaits comme sur les risques liés à la mondialisation de nos sociétés, 3YONE, un jeune artiste péruvien s’est vu attribué une salle au premier étage. Originaire de Lima, il étudie à la Haute École Nationale des Beaux-Arts du Pérou. Il mêle la culture urbaine du graffiti à celle plus rurale et ancestrale héritée de son père et grand-père, tous deux pécheurs traditionnels péruviens.

Pour « Équation Multiple », il fait naître un syncrétisme entre deux cultures, d’hier et d’aujourd’hui, tout en nous sensibilisant sur la destruction de la pêche traditionnelle. Son œuvre poétique met en scène la mort de la pêche ancestrale, incarnée par un pêcheur mesurant la taille des poissons ; contrastant avec les fresques murales représentant les souvenirs sucrés de l’enfance de l’artiste, qui vivent encore dans sa mémoire.

EVAGELIA HAGIKALFA

taverneL’artiste d’origine grecque, pluridisciplinaire, livre une œuvre originale et sensible, à découvrir au premier étage. Dans ses micro-cadres en bois apparaissent des images, issues de pellicules d’une vieille amie de la famille. Par un jeu de superposition, elle calque une histoire sur une autre pour en créer une nouvelle. L’illusion est parfaite et le résultat nous hypnotise.

taverneSon œuvre croise les destins, les lieux, les temporalités et les souvenirs. Des univers singuliers naissent alors dans l’intimité de ces petites images.

DAVID PROUX (STUDIO PANAMA)

taverneDavid Proux, alors jeune diplômé des Beaux-Arts de Lyon, lance en 2016 Studio Panama, un studio de création graphique où la sérigraphie tient une place centrale. Implanté sur les pentes de la Croix Rousse — terre ancestrale de la sérigraphie —, c’est là qu’il a mis en forme sa contribution à « Équation multiple ». Sur de la wax sénégalaise, tissu africain artisanal, il a imprimé le portait de Louis Deferbe à l’encre noir : un promoteur de la France-Afrique au XVIIIe siècle.

Sa proposition questionne l’acculturation et les échanges culturels — souvent asymétriques — inhérents à la colonisation.  À cela il mêle aussi la technique de la sérigraphie, emblème de Lyon, dont l’histoire résonne elle aussi sur la wax.

DAPHNA WEINSTEIN

taverneCette artiste d’origine israélienne vit et travaille en Autriche. Pluridisciplinaire, elle tente de transmettre des émotions à travers des objets du quotidien. Pour « Équation Multiple », elle occupe le dernier étage et sa sombre sous-pente avec une installation poétique et sonore. Des dizaines de bocaux de verre renferment un morceau de papier qui tourne grâce à un moteur. Chaque papier est unique : papier japonais, extrait de la Bible, papyrus… Chacun d’entre eux émet un son, relatif à sa densité. Une harmonie naît de ces sons différents, formant une seule et même entité.

Son œuvre interpelle et illustre le syncrétisme des cultures à travers cet objet du quotidien, utilisé par tous mais de différentes manières. Elle souligne alors l’université du papier, tout en mettant en valeur ses singularités.

ET PLUS…

En déambulant dans la Taverne, vous tomberez aussi sur une performance de trois danseurs et une clarinettiste au deuxième étage, qui travaillent conjointement autour d’une même partition mais traduite en deux langages.

Vous pourrez aussi observer la fresque de Théo Haggaï dans la deuxième partie de l’escalier, qui dépeint les tourbillons de la violence humaine, mais aussi l’utopie d’une communauté d’êtres humains soudés et unis dans une même forteresse.

Vous croiserez aussi le regard du photographe Stéphane Billot qui dépose des pierres bleu turquoise — couleur du drapeau rom — dans des camps de roms, questionnant ainsi l’intégration d’un peuple et les petites choses qui lui rappellent d’où il vient.

Enfin au rez-de-chaussée, vous pourrez vous interroger sur le ciel que vous voyez chaque jour, en observant ceux peints par Mi-Young Choi, artiste sud-coréenne. Elle peint des ciels, du point de vue de différents êtres humains. Certains y voient des bombes, d’autres des formes tracées par les fumées d’un avion : un ciel universel et commun, que les individus perçoivent pourtant singulièrement.

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Merci à Romain Weber et aux artistes, à l’origine d’une exposition riche, éclectique et poétique.

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