La Lesbienne invisible se dévoile : entretien avec Marine Baousson

Il y a un an, Marine Baousson donnait la première représentation de La Lesbienne invisible. Elle y incarne Océanerosemarie, auparavant interprétée par Océan, dans un spectacle drôle, touchant. Seule en scène, la comédienne se doit de dégager une force incroyable, tout en donnant au spectacle son tempérament « stand-up », et de respecter bien sûr un texte riche et précis. Au-delà de la performance scénique, retour sur un rôle qui a donné du fil à retordre à son interprète.

L’exercice difficile d’une reprise d’identité

Le pari était audacieux : reprendre un personnage dix ans et 550 dates après sa première représentation. D’autant plus que le personnage d’Océanerosemarie dans le spectacle était joué par la personne Océanerosemarie, devenue depuis Océan. Une expérience réussie pour Marine Baousson, qui explique pourtant avoir eu peur, au début, de la comparaison avec Océanerosemarie. Aujourd’hui, elle estime que le spectacle est à la fois « suffisamment différent et suffisamment similaire » pour être dans un bon équilibre.

Au-delà de la comparaison, reprendre le personnage d’Océanerosemarie a posé une véritable question d’identité à la comédienne. Après avoir fait pendant quatre ans et demi les premières parties de Bérengère Krief, elle explique qu’elle était « étiquetée » ainsi. « Ça a été long pour moi de m’en détacher et de ne plus être uniquement “la première partie de Bérengère Krief”, mais d’être Marine Baousson. D’être moi-même. Et du coup, quand Océan me propose d’être Océanerosemarie, je me dis “attends, après avoir été la première partie de Bérengère Krief, je vais être le double moins bien d’Océanerosemarie ?!”. » Pourtant, reprendre ce rôle a été révélateur pour la comédienne, à la fois artistiquement et personnellement : « On m’a demandé de reprendre un personnage extrêmement féminin. Mais c’était faire le contraire de tout ce que j’avais toujours été ! Je pense que ça m’a fait du bien d’embrasser un peu plus cette nouvelle partie de moi. Pour La Lesbienne invisible, il a vraiment été question pour moi de me montrer, et ça m’a fait du bien personnellement. Océan m’a amenée dans plein d’endroits dans le jeu où je n’étais jamais allée, que je n’avais jamais assumés. J’ai appris beaucoup de choses sur moi et sur mes capacités. »

Une collaboration fructueuse

Océan et Marine Baousson se sont retrouvés dans un spectacle créé par l’un et joué par l’autre, il a fallu forcément faire quelques ajustements. Même si, de l’aveu de la comédienne, « Océan ne lâche pas sur le texte ». Il y a les espaces de liberté où elle a pu exprimer ses désirs et ses attentes en tant que comédienne, et les espaces où à l’inverse Océan a été très présent. Des compréhensions et des envies à faire exister ensemble. Mais une fois qu’elle a embrassé le personnage, « c’est quand même assez reposant d’avoir des blagues qui ont fait 550 dates et qui fonctionnent ».

Pour Marine Baousson, jouer La Lesbienne invisible a été un challenge et un exercice dont elle est ressortie grandie : « Reprendre ce spectacle m’a appris une certaine exigence, la beauté d’un texte fort et porteur. » Elle a cependant été poussée dans ses retranchements plus personnels dans le message dégagé par le personnage : « Faire La Lesbienne invisible m’a forcée à montrer une certaine vulnérabilité et cette vulnérabilité existe très fort dans mon nouveau spectacle [Fearless, NDLR]. Ce sont aussi les premières fois où je dis que je suis lesbienne. Dans mon ancien spectacle je n’en parle pas. C’est un chemin… Je commence à le dire aussi parce que j’ai fait La Lesbienne invisible. »

Un spectacle « militant mais pas engagé »

Et l’histoire alors ? Celle d’une jeune femme qui cherche l’amour. Et non, ce n’est pas parce que le personnage en scène est homosexuel que le spectacle doit devenir un étendard LGBTQIA+. Et ce n’est pas non plus uniquement un spectacle destiné à cette communauté en particulier, la comédienne insiste sur cet aspect. Cependant, il peut éveiller certaines consciences : « Le spectacle est engagé, mais il n’est pas militant. Je raconte l’histoire d’une jeune fille. Il devient militant dans trois phrases à la fin. Mais si y a des filles de 17 ans qui se disent “tiens, je suis amoureuse de ma copine, ce n’est pas ce que la société m’a appris”, ce spectacle peut faire du bien. Politiquement, il ne se passera rien après le spectacle mais il peut apaiser, soulager, faire comprendre, à des parents : c’est juste quelqu’un qui cherche l’amour. Et de fait il est militant. Mais ce n’est pas un pamphlet, ce n’est pas un essai ! Il y a un vrai personnage qui rencontre des vrais troubles, qui a une vraie histoire. C’est un personnage qui vit ! »

Un personnage qui continuera de vivre dans le cadre du festival d’humour organisé par l’espace Gerson pour une date unique : le 11 octobre 2019, au Radiant-Bellevue. Marine Baousson entame également la tournée de son nouveau spectacle, Fearless.

Par Cléo Dangoin et Nelly Pailleux