Le théâtre d’improvisation, « école de la vie » ?
opening night Lyon Improv' Fest

Le Lyon Improv Fest, festival international de théâtre d’improvisation, s’est clôturé le 11 mai dernier sur les planches lyonnaises de la prestigieuse Comédie Odéon. Le franc succès de cette édition présente sous d’heureux auspices l’avenir d’une pratique théâtrale qui fait appel à l’écoute de l’autre et au lâcher-prise. Tout un programme donc, sous l’expertise de Thomas Debray, président de l’Improvidence.

La ville de Lyon a la chance d’accueillir, depuis 2013, l’Improvidence, le premier théâtre en France à programmer cent pour cent d’improvisation, tous les jours de l’année. Cependant, il ne se réduit pas seulement à une salle de spectacle. C’est un lieu d’émulation autour du théâtre d’improvisation : une scène recevant les plus grands noms du genre, une école avec un parcours scène ou loisirs selon les envies, un festival international d’improvisation, un travail de production, mais aussi des formations en entreprise et des séminaires qui se concluent sur un spectacle.

Parce que oui, si les happiness managers et les tournois de babyfoot s’avèrent au goût du jour dans les open spaces, les entreprises se tournent également vers les arts du spectacle pour le bien-être de leurs salariés. « L’improvisation, explique Thomas Debray, demande de lâcher prise et permet de développer la confiance en soi. » Des thématiques liées de près avec la tendance actuelle au développement personnel.

Dans l’improvisation, il existe des règles strictes qui pourraient être des maximes de vie : on n’impose jamais son idée à son ou ses partenaires, et l’objectif final consiste à faire grandir son personnage ; « on s’écoute, on s’invite chez les autres pour enlever les filtres qui nous séparent de lui ». Ce lâcher-prise que requiert l’exercice est aussi un moyen de se détacher du désir de contrôle qui caractérise l’humain. Et plus l’acteur pratique, plus il connaît son jeu, bien qu’il n’y ait pas de recette miracle. Le théâtre d’improvisation permet de conscientiser les tensions, et a une mission d’éducation à la fois auprès des acteurs et auprès du public.

L’humain avant tout

Le théâtre d’improvisation pousse l’individu au plus profond de ses retranchements d’humanité, et s’oppose à ses sentiments les plus instinctifs. Tim Orr, fondateur du Improv Playhouse of San Francisco et convié au Lyon Improv Fest, apprend en premier à ses élèves « to play how to love each other » (« à jouer à s’aimer les uns les autres »). Parce qu’humainement, dans une situation d’improvisation, l’acteur aura tendance à trouver plus facilement une réaction négative, belliqueuse, qu’une action positive et bienveillante. Or sur scène, une phrase entraînant une réaction, le but n’est pas (forcément) de créer un climat électrique entre les protagonistes.

acteur

Cette humanité mise à nu présente dans l’improvisation incite de plus en plus de personnes à pousser les portes d’un théâtre. Selon Thomas Debray, « 80 % du public du samedi n’a jamais assisté à un spectacle d’improvisation ». Des groupes d’amis, des familles acceptent de se laisser surprendre par des spectacles interactifs et variés. L’imaginaire et la surprise du public appellent à un transfert, une projection personnelle, et aussi à une bonne vieille catharsis que l’on retrouve dès les origines du théâtre. Il va sans dire que l’aspect unique de chaque spectacle confère à ce genre un attribut particulier : celui de la nouveauté constante.

Se renouveler sans cesse dans une société à toute vitesse

L’improvisation demande de tisser différentes cordes à son arc pour être complet : écriture, mise en scène (pour susciter la réaction), interprétation… Autant de qualités qui sont perpétuellement retravaillées à chaque montée sur les planches.

Le succès du théâtre d’improvisation s’explique également par son caractère inattendu : d’après Thomas Debray, « l’objectif n’est pas de faire les choses bien, mais d’essayer de faire les choses ». L’idée consiste à sortir en permanence de sa zone de confort, à créer des accidents, à jouer sur la limite… Un équilibre instable qui tient le public en haleine et qui fait écho à un adage bien connu, et repris parfois dans de célèbres séries télévisées : « Ce ne sont pas les plus forts qui survivent, mais ceux qui s’adaptent le mieux. »

Malgré l’absence de financements publics, le théâtre d’improvisation semble avoir de beaux jours devant lui et une place de choix au sein de la sphère culturelle qui accompagne la société dans ses changements.