Nuits de Fourvière 2018 : Her : How to burn it down

« When the queen comes for your throne, she burn it down » énonce Simon Carpentier en introduction de la chanson « Queens », un avertissement qui affirme la force du féminin qui a toujours nourrit les textes du groupe, et un présage qui pouvait bien s’appliquer à cette soirée antique des  Nuits de Fourvière, au court desquelles Her s’est adonné à  un live émouvant et généreux qui a enflammé le théâtre de l’Odéon.

Difficile d’évoquer Her aujourd’hui (surtout pour les fans de la première heure) sans parler de la perte du second membre du groupe, Simon Carpentier, emporté par un cancer l’été dernier. Depuis la sortie de leur album éponyme Her en mars dernier, Victor Solf sillonne seul les salles et festival, honorant la promesse de son ami et co-auteur de continuer leur l’aventure. Et c’est sous un soleil radieux, entouré par la skyline lyonnaise sublime qu’offre la scène de l’Odéon, que le groupe est entré dans l’arène pour offrir au public un live exceptionnel.

Her & Him

Le live s’ouvre sur We Choose et s’achève sur Five Minutes qui pourraient à elles seules résumer le tournant pris par la musique du groupe depuis la mort de Simon. « Five Minutes » commence sur cette citation de la mère du chanteur disparut «La femme n’existe pas, mais il y a des femmes. Pas une seule femme ne peut représenter la femme, pour la dire toute, il faudrait toutes les femmes » , « We Choose », l’un des premiers morceaux écrit par le groupe, évoque cette possibilité du pire, l’absence de l’un et la nécessité d’un choix pour l’autre.

Cette présence lumineuse, érotique de la force du féminin, qui caractérisait l’identité de la soul sensuelle du duo (le groupe a d’ailleurs conservé pour l’album le même visuel que sur ses précédents EP : l’ombre d’une poitrine et d’un buste de femme qui se dessine dans un érotique clair-obscur), vient faire contrepoint à l’absence planante d’un masculin qui s’est glissé petit à petit au sein des morceaux. Cette cohabitation du souvenir a ouvert pour Her une nouvelle voie, celle d’un chant d’espoir universel à transmettre à son public. Au rageur et sexy « Queens », qui met en avant la puissance de l’empowerment féminin, succède ainsi sur la scène de Fourvière le tout aussi groovy « Neighbourhood » qui fait écho à l’actualité des crises migratoires et à notre devoir d’humanité envers les autres.

La scène comme antidote

Le groupe offrira au public de Fourvière trois nouveaux titres : Magic, Utopia qui évoque le rêve américain que les deux hommes avaient pu partager le temps d’une de leurs dernières tournées, et le déchirant Fight for Love , une première pour Fourvière, dont les paroles (« tears won’t bring you back/music won’t bring you back« ) évoquent inévitablement le travail de (re)composition opéré par Her depuis le décès de Simon Carpentier. Comme si la scène était devenue pour eux une réponse à la solitude nouvelle du chanteur, le live devenant comme un laboratoire de création où l’adhésion du public se fait immédiate.

https://www.youtube.com/watch?v=5fHbGJeaMao

Un documentaire, Are you still here ? ,  diffusé très bientôt sur Studio +, évoque cette période de la tournée qui a sanctifié la sortie de l’album. Ce geste de filmer cette tournée, la recomposition du groupe que les musiciens initiaux ont quitté après le décès de Simon, l’effervescence créatrice de la scène, témoignent de cette importance accordée au présent de l’échange avec le public. Une énergie qu’ils n’ont pas trahie à Fourvière où ils ont offert au public enfiévré un moment de partage et d’émotion incomparable, qui s’est achevé, au terme de trois rappels, comme si quitter la scène était redevenu plus difficile que d’y entrer.

Laurine Labourier