Où est passé le cinéma que j’aimais ? Ou Le Nouvel Empire de Joss Whedon et cie

Et Joss Whedon est arrivé…

La Marvel met en place depuis quelques années un univers cinématographique cohérent (ou pas…) dont les films se répondent les uns aux autres avec pour but de préparer la réunion de ses super-héros avec The Avengers. On ne va pas s’appesantir sur les films précédents, mais force est de constater que, pour une saga Spider-man proche de la perfection, mais dont le héros ne fait pas partie de la future réunion ; entre produits purement cyniques (Iron Man 2 et Tony Stark qui fait pipi dans son armure, Thor et son surfeur californien) ou respectueux (Iron Man, L’incroyable Hulk, Captain America), difficile de savoir où donner de la tête. Les succès aux Box-Office étant surtout du côté du cynisme, la voie qu’emprunterait The Avengers était toute tracée.

Pourtant, à l’annonce de Joss Whedon, quelques lueurs d’espoirs apparaissaient chez les geeks. Le créateur de Buffy Contre Les Vampires, Angel et Firefly pour la télévision, bien que faisant preuve de carences certaines en terme de réalisation, savait créer des personnages et avait un certain sens de l’épique. De plus, le fait d’être également scénariste de comics (Astonishing X-Men, notamment) lui donnait une certaine crédibilité. Le doute était permis.

Désormais, le film est sorti et il satisfait la grande majorité de ses spectateurs. Il regroupe également tout ce dont on a parlé depuis le début de cet article. Un marketing qui s’appuie avant tout sur la personnalité de son réalisateur pour les geeks, et sur l’aspect bourrin, promis par une réunion de super-héros, afin d’être sûr de plaire (méthode 300, Casino Royale). Du bla-bla pendant la grosse majorité du film avec répétition des enjeux pour paraître intelligent (méthode The Dark Knight, Inception). Des références aux comics-books pour plaire aux geeks, expliquées sur internet (et non dans le film, pour une fois, mais ce sera sur le blu-ray, ne vous inquiétez pas) pour ceux qui veulent faire semblant de les comprendre (méthode Scream). Et enfin  des scènes ressemblant étrangement à un autre film (mais un film qui a eu du succès cette fois-ci par contre : Transformers 3). Et bien sûr, le cynisme : un problème inhérent à Whedon que les fans avaient sûrement oublié ou refusent de voir. Cette manière qui n’appartient qu’à lui de ridiculiser le genre auquel il appartient.

Et contrairement aux autres films pré-cités, il ne cherche pas à être plus intelligent que les autres. Non, nous entrons dans une nouvelle décennie. Fini, l’intelligence, désormais, il faut être cool. Iron Man l’annonçait, Thor suivait la mouvance. Maintenant, Whedon va vous montrer ce que c’est que d’être cool. Etre cool, c’est tout simplement faire qu’à chaque fois qu’un personnage va prendre de la valeur dans son film, et se montrer sous son aspect super-héroïque, Whedon va le ridiculiser. Ainsi, quand Loki fait son discours de méchant à Thor, il est éjecté de l’écran façon cartoon par Iron Man. Quand Hulk et Thor ont droit à leur grand moment de gloire (dans le plus beau plan du film, un presque plan-séquence réunissant tous les super-héros), Whedon termine la scène en éjectant Thor de l’écran par un coup de poing de Hulk, façon cartoon encore. Et de quelle façon Loki se fait-il battre à la fin, lui, le grand méchant du film ? Dans un gag ! Pourquoi ? Parce que c’est trop cool ! Et pour rappeler aux héros de se réunir, parce qu’un personnage secondaire qu’on a vu 10 minutes en tout, vient de mourir, on leur montre des cartes à jouer de Captain America !

Non seulement, c’est cool, mais en plus, tu peux les trouver facilement, en te rendant chez ton buraliste préféré ! Alors, oui, on pourrait rétorquer à Whedon que le super-héros fait partie de la mythologie des Etats-Unis, et que si on va voir ce genre de films, ce n’est pas pour les voir se ridiculiser, bien au contraire. Mais ce ne serait pas cool, justement ! Et puis, ce ne sont que quelques secondes dans le film. Pour moi, quelques secondes qui changent tout. Pour le spectateur qui plébiscite le film, à priori pas grand-chose. Avec un peu de malchance, Whedon nous fera peut-être même dans le futur un remake de la trilogie du Seigneur Des Anneaux où Frodon fera pipi sur lui en apprenant la difficulté de l’épopée qui l’attend, épopée à la fin de laquelle il glissera sur une peau de banane avant d’aller sur le bateau (à moins qu’un épisode de Pirates des Caraïbes ne le devance là-dessus).

Et voilà que les hasards du calendrier (non, je déconne) font que deux semaines plus tard, un autre film scénarisé par Whedon débarque sur l’écran : à savoir La Cabane dans les Bois. Le film qui va révolutionner le film d’horreur ! C’est pas moi qui le dit, c’est Whedon lui-même. La technique ? Eh bien, on prend tous les codes du film de maison hanté, et on fait l’inverse* On ne se pose surtout pas la question de savoir ce que les codes signifiaient, on fait juste l’inverse. Mais on l’explique bien à l’écran, surtout, pour montrer que l’on est super intelligent. Mais avant tout, il faut montrer que l’on est cool ! Le film commence donc par un générique angoissant, coupé en plein milieu par une publicité pour du café. Pourquoi ? Parce que c’est l’inverse d’un générique de film d’horreur classique, c’est donc trop cool ! Ensuite, deux scientifiques discutent, et la musique d’horreur ressurgit pour faire apparaître  le titre alors qu’il n’y a rien d’angoissant dans leur discussion.

Pourquoi ? Bah, c’est trop cool, non ? En fait, il s’agit de la même méthode d’écriture que Scream appliqué au film de maison hanté, plutôt qu’au slasher. Et cela se termine dans un troisième acte hérité de…Buffy contre les Vampires, parce que monsieur Whedon ne peut pas s’empêcher de s’auto-citer. L’auto-citation, c’est trop cool, en même temps… Soyons honnêtes néanmoins, le scénario, s’il va dans tous les sens, a au moins le mérite de nous surprendre. Et Whedon, qui veut gagner tous les suffrages, se permet quelque chose dans le troisième acte de son film qui fera plaisir à tous ceux qui veulent juste voir des monstres quand ils vont voir un film d’épouvante. Par contre, ceux qui veulent avoir peur peuvent passer leurs chemins, car avoir peur, ce n’est vraiment pas… cool.

*A ce sujet, vous pouvez lire ce fantastique article du grand Rafik Djoumi, dont l’influence se fait forcément sentir dans ces lignes, sur la place de la femme dans les maisons hantées.

Jonathan Placide

Jonathan Placide

Chef d'entreprise chez AWD Productions. Réalisateur, cameraman et monteur, Jonathan Placide est le plus ancien journaliste d'ArlyoMag. C'est pourquoi certains l'appellent "Papy". Grand défenseur du cinéma populaire devant l'éternel, il s'intéresse également à la culture geek dans son ensemble, et vous fera profiter de ces passions à travers ses articles.