Pedro Almodóvar, prix Lumière 2014 – partie 2

LES PERSONNAGES D’ALMODÓVARvolver-2006-34-g

Pedro Almodóvar joue régulièrement avec Antonio Banderas, Penélope Cruz, Carmen Maura, Victoria Abril ou Rossy de Palma. Les personnages du cinéaste sont uniques, il met principalement en scène des femmes ; dans Volver, trois générations de femmes sont abordées. Il aime montrer et décrire la population urbaine, tant la bourgeoisie que la classe ouvrière, avec de nombreuses références artistiques à la culture populaire. Ses personnages sont souvent obsessionnels, excentriques ou très perturbés, mais inspirent presque toujours l’empathie. Ils sont marqués par un passé dont ils ne peuvent se défaire (un traumatisme dans l’enfance, la perte d’un proche, un accident…). Le réalisateur s’intéresse d’abord aux marginaux et à leurs relations avec les autres, à leurs aléas sexuels, à leurs pulsions de vengeance et à leurs questions sans réponses. Les héros sont les drogués, les artistes, les sentimentaux, les travestis, les prostitués… Toutes ces personnes prisonnières de jugements et terriblement humaines. Les personnages d’Almodóvar sont des explosions d’émotions et de paroles.

Leur caractéristique première est la profonde crise d’identité qu’ils subissent, Almodóvar piège son spectateur sur des jeux de doubles, des transformations… Il y a des fantômes, des transsexuels, des usurpateurs, tous ces gens qui vivent plusieurs vies dans un seul corps. Le rapport de force entre les psychologies des différents personnages (celui qui est en dualité et son entourage) entraîne des quiproquos qui déstabilisent le spectateur, et remet en question non seulement le film, mais également les stéréotypes sur ces marginaux. Les longs métrages créent constamment des mises en abîme, des « twists finaux » et des chutes impensables qui transforment toute notre vision du film.

LES THÈMES RÉCURRENTS ET LA FORMEFemmes

On assimile régulièrement les films du Madrilène avec la culture pop art, par ce mouvement de couleurs, les personnages aux forts caractères, semblables parfois à des parodies, les musiques et les décors kitsch… Souvent, les lieux communs où se trouvent les personnages sont surprenants (appartement, bureau, église, taxi…). Les décors baroques, le vieillot coloré des affiches et des génériques rappellent une influence surréaliste. L’originalité des scénarios permet aussi d’emmener le spectateur dans un monde à la fois réaliste, connu de tous et très original. Almodóvar filme notre vie, mais dans des situations oniriques ou cauchemardesques. Cet aspect paradoxal se retrouve également dans le style qui peut être glauque et chaleureux, c’est ce qui fait la force du cinéaste, une esthétique visuelle hors du commun dans un monde très proche de la réalité.

Le réalisateur rend des hommages en faisant de multiples références au cinéma américain, on pense parfois aux intrigues d’Hitchcock ou aux ambiances de De Palma. Les domaines artistiques, populaires et culturels sont toujours représentés (la photographie, le cinéma, la télévision, la tauromachie…).

La sexualité (essentiellement féminine) est un des sujets principaux du cinéaste : les questions interdites, les origines des fantasmes et l’érotisme omniprésent qui émane des protagonistes. Beaucoup d’approches de la sexualité sont transmises par le spectacle ; la prostitution, l’exhibition, le plaisir masochiste féminin ou le plaisir solitaire masculin sont évoqués, ce qui est rare dans un cinéma « accessible à tous ».

La mort est un thème récurrent chez Almodóvar, le meurtre, le cadavre, le fantôme, la perte d’un être cher… Le drame accompagne le fond de certains personnages durablement. De même celui de l’amour au sein d’une famille, d’un couple, ou entre amis. Le passé et le présent se mêlent, comme ses personnages emblématiques tiraillés par leurs différentes personnalités, la dualité se répond constamment. Les personnages chez le réalisateur vivent des interrogations sur leurs orientations sexuelles, ils portent aussi en eux de lourds secrets (au sein de la famille surtout), les relations mère-fille sont souvent sur le devant de la scène. Chacun est à la fois en rapport de force et en fusion avec les autres, ils allient tous la vérité et le mensonge, et brouillent les pistes face aux autres et au spectateur, l’ambiguïté des films repose sur tous ces paradoxes, l’amour et la mort, la sexualité exacerbée et la vie de famille, la nuit et les couleurs.

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Pedro Almodóvar à Lyon pour le Festival Lumière du 13 au 19 octobre.

Rediffusion des films – Sélection de films par le réalisateur – Soirée prix Lumière en présence de Penélope Cruz et d’autres invités