Savages : Oliver est de nouveau Stone !

Savages de Oliver Stone, Thriller, 2h10, 2012, Etats-Unis

Avec Aaron Johnson, Taylor Kitsch, Blake Lively, Salma Hayek, Benicio Del Toro, John Travolta…

En Californie Ben, diplômé en gestion et botanique, et Chon, ancien navy ayant combattu en Irak et en Afghanistan, partagent absolument tout: un business de cannabis toujours plus florissant et une petite amie commune dont-ils sont amoureux, O. Très vite leur affaire possède une réputation telle qu’elle attire l’attention du cartel Mexicain de Baja, dirigé par l’impitoyable Elena Sanchez, qui souhaite s’associer à eux. Afin de les forcer à coopérer le cartel kidnappe O. trouvant là un moyen de pression sur les deux jeunes hommes. Ben et Chon décident alors de réagir en leur déclarant une guerre sans merci…

Oliver Stone est de retour. Après une décennie entière placée sous le signe de la lassitude, de la déception artistique et d’amitiés politiques déconcertantes -le réalisateur est en effet proche d’Hugo Chavez et de Fidel Castro- il y avait fort à attendre de ce Savages, véritable cure de jouvence auprès du genre qu’il maitrise le mieux, le thriller sulfureux, barré et trash. Force est de constater qu’après un Alexandre ambitieux mais boursoufflé, un World Trade Center sincère mais sirupeux, un W nécessaire mais peu agressif et une suite de Wall Street d’actualité mais vaine, Oliver Stone retrouve enfin toute la force et la hargne qui définissaient son cinéma d’antan. Et signe au passage son meilleur film depuis l’hallucinant L’Enfer du dimanche avec cette adaptation du roman best-seller homonyme de Don Winslow.

Certes le récit alambiqué a déjà été vu et revu des milliers de fois, certes le cinéaste recycle ses meilleurs effets datant déjà d’une quinzaine d’année (lumières chaudes, décadrages, montage speedé, bombardement sonore…) mais le film témoigne d’une décomplexion rare, d’une folie et d’une fraîcheur chère au cinéma U.S des années 1990 et que l‘on attendait plus sur un grand écran. En véritable roller coaster émotionnel, Savages s’installe avec facilité dans la veine des œuvres de la grande époque de son auteur, quelque part entre la fureur de Tueurs Nés et la noirceur de U-Turn, lorgne sur le cinéma du regretté Tony Scott (difficile de ne pas penser à True Romance dans cette romance rock ‘n’ roll et débridée) et plonge le spectateur dans une jeunesse de chaque instant.

Il faut voir tout le plaisir que prend ce vieux roublard d’Oliver Stone à filmer Blake Lively, d’une beauté californienne provocatrice, sous toutes les coutures et s’éclate à diriger de jeunes comédiens prometteurs à l’image d’un Aaron Johnson crevant littéralement l’écran en trafiquant altermondialiste. Ancré dans son temps, Savages reprend, détourne et modernise les codes du genre notamment par son très bon casting de seconds rôles, à la fois hauts en couleurs et attachants: John Travolta en ripou bientôt veuf, Benicio Del Toro en tueur psychopathe désirant changer de statut et Salma Hayek, formidable, en chef de cartel à la poigne de fer et mère meurtrie.

Celle-ci semble interpréter un personnage bien réel: Griselda Blanco, pionnière dans le trafic de la cocaïne dans les années 80 et « marraine » sanguinaire du cartel de Medellín qui alla même jusqu’à faire exécuter des enfants (parcours présent dans l‘excellent documentaire Cocaïne Cow-Boys et qui inspira un certain Scarface). Cette inspiration démontre d’ailleurs toute la quête de réalisme propre à l’œuvre du réalisateur qui alla même jusqu’à rencontrer bon nombre de narcotrafiquants afin d’accentuer l’aspect documentaire de son dernier film.

Mais ne nous méprenons pas, Oliver Stone, bien que de retour dans le thriller, n’en oublie pas pour autant son engagement éternel en cinéaste révolté qu‘il est. Il paraît en effet clair dans cette histoire d’affrontement entre grande organisation criminelle et petite entreprise illégale et thérapeutique que le réalisateur égratigne l‘hypocrisie du gouvernement américain quant à la question de la drogue et milite activement pour la dépénalisation du cannabis au Etats-Unis. La politique n’est décidément jamais bien loin chez lui.

En définitive, Savages marque le retour d’Oliver Stone dans la veine qui lui convient le plus à savoir le polar engagé, inclassable et jubilatoire dans un trip ultra-violent et sexy même si l’on aurait aimé d’avantage d’inédit. En espérant que ses prochains films soient du même acabit…

Bref Oliver continue la fumette car ça te réussi vraiment !