Sport et luxe, pour ou contre ?

Le sport et le luxe : deux mondes différents, et qui, à-priori, ne devaient pas se rencontrer. Pourtant, depuis quelques années, baskets, joggings et sweats envahissent les podiums de la haute couture. Pour ou contre, les débats font rage. Arlyo a décidé de se pencher sur ce phénomène.

Deux histoires parallèles

La semaine dernière j’ai été invitée par les étudiant(e)s de l’Université de la mode, pour un café-débat sur la légitimité de l’alliance sport et luxe. La salle est bondée, le sujet semble intéresser bon nombre de personnes. Avant de rentrer dans le vif du sujet, une définition s’impose : qu’entend-on par sport et par luxe ?

Le sport est une activité physique pratiquée individuellement ou collectivement ; le luxe se caractérise par ce qui est couteux, raffiné et somptueux. Ces deux univers sont donc extrêmement différents ; quels peuvent être les évènements ayant contribué à leur rapprochement ?

Historiquement la tenue de sport est arrivée très tardivement ; en 1839 les femmes jouaient encore avec des chaussures à talon au tennis ! C’est peu à peu grâce aux congés payés et à la culture hédoniste qui donne plus de place aux loisirs, que le « sport pour tous » s’est développé. Il est arrivé dans la rue avec le jogging, a envahi les clubs de sport. À ce moment-là, le sport a commencé à devenir plus mode, car il est vu par les autres, il s’agit de faire bonne impression.

Le sport de compétition s’est également développé, les sportifs sont devenus des idoles auprès de leur public. Par stratégie marketing, les marques comme Adidas ou Converse ont sponsorisé les champions, leur ont proposé leurs produits. Cela a permis de transposer les attributs du sportif comme le courage, la force et la beauté, à ses vêtements.

Le style Hip Hop des années 80
Le style Hip Hop des années 80

C’est ainsi que dans les années 80, le monde de la musique se saisit des baskets et des joggings notamment dans le domaine du rap. On peut citer Madonna ou le groupe de rap américain Run-DMC, qui compose un tube à la gloire d’Adidas en 1986.

Petit à petit, le sportswear commence à se démocratiser, les jeunes veulent imitent leur stars. Ce style vestimentaire est vu comme cool, jeune et branché. En l’espace de dix ans, il envahit les rues.

Parallèlement, le luxe s’essouffle, perché sur ses Louboutin, vêtu de son tailleur, il n’est pas très confortable. Le luxe voit dans le sportswear la possibilité d’avoir une image plus cool, touchant un large public. Fini le diktat du talon : on peut être à l’aise et classe à la fois. Dior en donnera l’exemple avec son coup de buzz en 2014, les mannequins ayant défilées avec des sneakers de paillettes, tweed, cristaux de Swarovski.

Le sportswear sur nos podiums, on valide ?

Défilé CHANEL
Défilé CHANEL

Pour les adeptes, le sportswear dans le luxe vient appuyer positivement la libération de la femme ; fini les corsets et les tenues inconfortables. Avec un luxe plus confort, nos femmes peuvent s’habiller élégamment tout en étant à l’aise dans leur vêtement.

Ce changement d’orientation a permis de présenter des looks plus adaptés à la vie moderne du 21e siècle. Nos vies citadines à cent à l’heure demandent des vêtements confortables à la maison comme au travail. Le luxe a donc beaucoup appris de la technicité du sportswear par rapport au confort. Cela lui a permis de se décoincer. On lui reprochait d’être trop classique ; avec le sportswear, le changement est là.

Pour autant le sportswear du luxe ne reste que du paraître. Les vêtements ont l’apparence d’être conçus pour le sport, mais ils restent uniquement esthétiques, comme l’a confirmé Dior aux éleves de l’Université de la mode pour ses baskets. Il donne donc une image cool mais ne peut en aucun cas être utilisé pour pratiquer une activité sportive, ce n’est pas le but.

Le sportswear a également ses limites, il est très développé au niveau des baskets, mais le reste de l’habillement est peu présent. Si le jogging arrive malgré tout à tirer son épingle du jeu, il n’arrivera probablement jamais à la même hauteur que le jean.

Certains sont farouchement contre le sportswear dans le luxe, comme Karl Lagerfeld. Pour lui : « Les pantalons de jogging sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de votre vie, donc vous sortez en jogging. » Eh oui, l’image du sportswear n’est pas toute rose, elle est également vue comme négligée, signe de laisser-aller… contrairement au luxe ; cela peut-il tâcher son image ? Les opposants au sportswear en sont certains.

Pour ma part, j’aime le renouvellement que le luxe a pu avoir ces dernière années dans le sportswear, quand il reste subtil : un complet avec une paire de tennis, un sweat couplé avec des mocassins. Pour autant, certaines maisons de mode en font décidément trop, le luxe ne se résume pas à une tenue de sport !