Réparer les vivants : du roman coup de cœur à l’adaptation théâtrale
adaptation

Mon véritable coup de cœur pour le roman de Maylis de Kerangal m’a mené au théâtre Les ateliers qui, en co-accueil avec Les Célestins, recevait l’adaptation par Sylvain Maurice de Réparer les vivants, du 1er au 9 juin.

Crédit photo : E. Carecchio

Un tel coup de cœur se fait rare en littérature. Dévorer chaque mot, être en admiration devant l’enchaînement des phrases, si fluide et singulier, devant la puissance du récit ; en sortir bouleversée, bouleversée mais heureuse. Heureuse d’avoir traversé le destin de ces personnages désormais si familiers. Heureuse car à l’intérieur du chaos provoqué par la mort d’un enfant, le don d’organes permet une seconde vie, un second souffle.

Dès lors, lorsque le roman est adapté, les attentes sont élevées bien que très vite relativisées : qui n’a jamais été déçu d’une adaptation au cinéma d’un livre adoré ?

Une adaptation fidèle mais risquée

Toutefois, Sylvain Maurice a su retranscrire l’atmosphère dans laquelle avait évolué ma lecture, et ce tout d’abord car le texte n’a justement pas été adapté, seulement allégé. Les premiers et derniers mots sont les mêmes, comme si cette histoire ne pouvait commencer ni finir autrement, comme une fatalité. Tel que le formule le metteur en scène, cette fidélité au texte destine les interprètes à porter toute la théâtralité de la pièce, ce que Vincent Dissez fait avec brio, donnant vie aux mots d’une justesse irréprochable et emplis de poésie. Et dans ce récit d’une intensité irrespirable, l’humour qui permet de reprendre son souffle y est conservé.

Crédit photo : E. Carecchio

L’épure du dispositif scénique

Le dispositif scénique joue également un rôle central dans la retranscription de cette intensité. Épurée, la scène est composée de trois éléments majeurs. La musique, interprétée par Joachim Latarjet, accompagne le texte en lui procurant davantage d’impact encore : elle se veut assourdissante quand les mots deviennent inaudibles, elle n’est qu’un murmure lorsque la paix éclot finalement.

Un tapis roulant, sur lequel se tient le protagoniste, a également été disposé au centre de la scène. Son déroulement, synchronique au parcours du cœur, contribue à recentrer le récit sur ce dernier, à ramener inéluctablement à l’urgence de la situation. En effet, les coupures réalisées dans le texte concernent principalement les descriptions propres aux personnages secondaires ; on suit alors plus précisément cette course folle entre la vie et la mort.

Enfin, les jeux de lumières permettent la variation d’intensité dans le passage, d’une brutalité soudaine, entre les différentes scènes exécutées par un seul et même interprète.

En donnant vie à ses mots, Sylvain Maurice rend un bel hommage à l’œuvre de Maylis de Kerangal, qui ne connaît pas de pareille, et, par la fidélité au texte original et la retranscription du roman dans sa singularité, relève le pari d’une adaptation risquée. Reste à voir si le film de Katell Quillévéré en fait tout autant…